Strasbourg 2017


Un résumé de ce que nous avons vécu sous le tipi à Strasbourg ! :

La dynamique d’EEC ces dernières années: avoir soif du Royaume Dieu, sa venue. Non pas nécessairement le retour du Christ! Mais la manifestation plus claire de Sa Royauté, Sa Souveraineté. Et la transformation plus profonde de notre coeur: non pas « amélioré, mieux »… mais « Nouvelle Création! »

Découvertes : C’est pas nous qui prions, chantons, louons, travaillons. Dieu a dit: « C’est l’inverse !  »

Quoi l’inverse ? Comment l’inverse ? !

« C’est Jésus qui prie, chante, loue, travaille. Puis, vous avec lui. C’est ça votre place, vocation, mission. »

Cette perspective, de chercher le Royaume de Dieu plus que tout, avant tout, de tout notre coeur et dans une totale dépendance, demande tout un bouleversement de tous nos critères. Et une écoute « totale » (pas comme un idéal mais comme un chemin) du coeur et de la Volonté de Dieu qui, seule, est vraiment bonne.

Vision: Jésus qui entre comme Roi dans son Eglise, mais en hésitant: suis-je vraiment le bienvenu?

Et: portes, levez vos linteaux, car le Roi des Rois va entrer!

Découverte à Strasbourg : chercher la volonté de Dieu, c’est très bien déjà. Peaufiner cette recherche c’est mieux! A savoir:

Le premier jour on a prié, fait notre boulot, accueilli mille personnes ( très bon pour les statistiques!😊), raconté notre histoire, l’âne, notre vécu et oui, aussi notre foi. Le soir on s’est dit: Quelque chose manquait…

Le deuxième jour on a prié : Seigneur, qu’est-ce que tu veux? » Dieu a répondu: » Vous avez très bien parlé de vous. Maintenant, allez parler de Moi! »

Alors avec un peu de tremblement et beaucoup d’encouragements entre nous (« Si t’oses pas, fais-nous un clin d’oeil, on prie! ») on a laissé tomber notre discours si politiquement correct (« On est là pour accueilir tous et bla bla bla ») et on a osé dire ce qu’on voulait être : » On est là au nom de Jésus Christ pour annoncer et vivre son Evangile. »

On craignait être vus comme des affreuses personnes contaminées par cette horrible maladie du prosélytisme. .. ben non. Pas du tout. Les gens se réveillaient, étaient tout interpellés.

Le troisième jour, on a prié : » Seigneur, qu’est-ce que tu veux? »

Dieu a répondu : » Vous avez très bien parlé de Moi, maintenant c’est Moi qui vais parler de Moi. »

Alors on a laissé tomber notre attitude de vouloir tout faire, accueillir tous, parler à tous. On a été (essayé d’être ! ) dans une attitude constante d’écoute. On a travaillé avec ceux que Dieu nous proposait. C’était assez difficile, pour moi surtout, de suivre les vagues instructions que je pensais recevoir. Il me semblait p.ex.entendre le mot « bénédiction ». Alors, sans écoute active ou empathique ( mes premiers réflexes après des années de relation d’aide ! ) j’ai demandé à la dame à côté de moi: » Savez-vous ce que c’est, la bénédiction? » – Puis, après avoir expliqué un peu: » Aimeriez-vous recevoir une bénédiction personnelle? » Elle a dit oui, un peu perplexe. On l’a bénie. Elle est partie peu après, en pleurant.

Voilà pour un résumé, un brouillon très réduit, mais qui essaye de dire une manière d’être nouveau…dont nous avons de plus en plus soif.

Hetty

 

Mardi 24 octobre

Départ de la maison de l’écluse pour …le nord, encore et encore. J’ai une adresse à Eschau, mais personne ne répond. Alors, quand le temps devient menaçant, on (Christian, qui vient marcher avec nous le weekend, et moi) décide d’aller plus loin, vers Illkirch. Je prends un risque, car j’avais dit à Mme Piller que je viendrais seulement lundi, et il n’y a que le répondeur qui…répond. Mais je n’ai pas d’autre adresse et elle avait dit qu’elle était pratiquement toujours chez elle.

Une belle étape, toujours le long du canal, car la piste cyclable cest la  seule chose qui convient à Speedy depuis son problème de sabot: les routes sont un peu bombées alors il persiste à être au milieu de la route – les chemins de terre sont pleins de cailloux qui lui font mal et il recommence à trébucher – mais les pistes cyclables sont plates comme mon pays et ça lui convient à merveille. Après Neunkirch il a même trotté comme je l’ai jamais vu…herbe bénie ? !

Illkirch s’approche, la pluie aussi. On arrive chez Mme Piller, personne. Speedy est parqué sous un arbre pour brouter, Christian, Barou et moi on se met à l’abri sur la véranda.

Les promeneurs passent, très interpellés : » Maman, un âne au canal! » »Vous avez vu? Un âne au canal! » Encore le jour après, quand on se promène avec Speedy, on rencontre une femme qui rigole:  » Alors c’était vrai quand même! Une personne me disait qu’il y avait un âne au canal, et je me disais qu’elle n’était pas bien dans sa tête! »

Mais pour le moment on est sur la véranda, il pleut et il devient tard. Je commence mes coups de fil: au fils de la dame, à un parc d’animaux, à un hôtel où les animaux sont admis selon internet. Les animaux oui, mais quand je parle d’un âne il y a un silence à l’autre bout du fil. Puis: « Ça alors,  ça non, on n’a rien de prévu ici. » Il a raison, je pense bien, les hôtels avec mention « ânes admis » sont plutôt rares.

Où aller alors? Ah, mais j’ai encore un no de télé phone, une Mme Muller, qui allait loger Christoph, oui, je sais, c’est pour jeudi et on est dimanche!, mais on peut toujours essayer. ..

Mme Muller me demande de rappeler une demi-heure plus tard. C’est tout ce qu’il lui faut pour repartir ses visites ailleurs, s’arranger pour qu’il y ait de la place, et vider son garage pour Speedy. Extraordinaire. ..

Et c’est là que j’attends Christoph et aussi jeudi pour arriver enfin à  Strasbourg. Je sors Speedy, oui, un âne au canal, je fais quelques commis, je profite du repos avant le weekend à Strasbourg qui sera costaud… et on discute.

On discute…C’est si vite dit! Mais qu’est-ce que c’est beau, ces échanges… Rien que ces derniers jours, avec le cycliste revenu, avec Gérard et Norbert et Etienne Hamm à Neunkirch, avec les Bronn, les éclusiers, les cyclistes, Michel le photographe à  Eschau, avec Mme Piller et avec Iris, ici. Je suis si reconnaissante, Seigneur. Merci!

 

Lundi 23 octobre

Neunkirch est merveilleux (grâce aux quatre frères avec qui je partage une messe et trois repas par jour ! ) mais faut quand même aller un peu plus vers le nord. Marc de Baldenheim me dit qu’il connaît le maire de Boofzheim qui connaît surement quelqu’un qui pourrait me loger. Probablement à Gerstheim. Alors départ pour Gerstheim. Je passe le lieu où Barou est tombé dans le canal en 2015 et sauvé par les efforts combinés d’un cycliste de passage et moi.. quelle frayeur!

Je mange mon pique nique à côté du pont de Boofzheim, une voiture s’approche, c’est le maire. C’est vrai que c’est difficile de me louper! Il a trouvé une adresse pour la nuit!

J’arrive chez Damien Bronn, paysan à Gerstheim. Quelle gentillesse !  Mais aussi: quel savoir-faire! Le lendemain lui et sa future femme Lucie parlent de leur vision qu’ils mettent déjà en pratique :  laisser la terre décider ce dont elle a besoin, la laisser respirer, ne pas forcer. Un minimum de pesticides juste là où c’est inévitable. La terre le leur rend bien…

Même chose pour les bêtes : pas  forcer, pas pousser, pas gaver, juste l’herbe des champs ainsi chouchoutés : et à nouveau, les bêtes le leur rendent bien! Malgré toutes les prévisions  (« Vous êtes fous, ça ne peut pas marcher »), ça marche. Ils sont contents. Ils ont du temps. Ils admirent la nature depuis leur tracteur…

Christian vient et on part, toujours vers le Nord. La météo s’annonce mauvaise, en arrivant à Krafft les nuages deviennent menaçants. Quelques personnes babillent devant la maison de l’éclusier, on rigole un moment ensemble, la dame dit: »Si c’était plus tard on vous logerait volontiers tous! » Mais on nous loge volontiers tous même maintenant, après à peine 6 km de marche!

Et Speedy va découvrir le paradis des ânes chez Christoph et Claire: une immense propriété clôturée, où il peut aller où il veut. Il descend des escaliers, il monte d’autres, il fait le tour, il mange les fleurs (« pas grave, de toute façon elles sont finies! », il est cajolé et chouchouté et admiré… Claire et Christoph, qui aiment absolument toutes les bêtes et ont même élevé et éduqué une tourterelle chez eux, adorent avoir un âne chez eux, et font aux deux humains un accueil qui nous laisse…perplexes et heureux!

Jeudi 19 octobre

On m’a demandé d’arriver à la ferme de Marc et Martine Gysselbrecht avant l’heure de traite mais juste avant Baldenheim je tombe sur une personne qui a très envie d’échanger, et ça a priorité. On discute dans le champ, elle partage des choses difficiles, on prie ensemble. C’est beau comme Dieu nous a mis ensemble, juste pour ce moment.

Chez Marc et Martine, quel accueil! Et je découvre le crémant d’Alsace, et ça devient tard mais tant pis!

Speedy avait à nouveau de la peine à marcher, donc Marc transporte les bagages au couvent de Neunkirch et les animaux et moi faisons une belle trotte jusque chez ces frères que je connais déjà depuis 2015 et que j’ai tellement de plaisir à retrouver: Gérard, André, Norbert, et cette fois aussi François.

Mais ici aussi j’arrive en retard: j’avais rencontré un cycliste qui s’était arrêté, on avait échangé un moment, des questions sur Dieu, il était reparti. Dommage, j’aurais bien voulu aller plus loin mais…

Mais … le voilà de retour, deux heures plus tard! Il me raconte son histoire, ça me va droit dans le coeur. On s’assied dans un champ, on prend le temps, on prie. Il dit à Dieu des choses qu’il a voulu dire depuis longtemps mais ne savait pas comment. Dieu savait et me met sur son trajet pour qu’il puisse Le rencontrer Lui – même. Moi, l’âne et le chien, on sert juste de main tendue mais qu’est ce que c’est beau quand Dieu nous donne cette place!

Ça va être dur de trouver des lieux où on est d’accord d’accueillir un chien mouillé! Ils annoncent une chute de température de 8 degrés et localement de fortes pluies. Pourvu que le « localement » reste localement! Ce n’est pas tellement la pluie qui me gêne, c’est que Barou ne sèche pas sous une tente la nuit.

Mais pour le moment je suis encore à Neunkirch : hier soir mon corps et mon coeur réclamaient une pause, je ne m’étais pas rendue compte que j’avais trotté sans pause pendant 10 jours!

Mercredi 18 : retour sur les jours précédents !

J’étais interrompue dans mes nouvelles, assise dans mon champ de maïs, par un de ces immenses tracteurs qui sillonnent les champs pour amener les récoltes au moulin le plus proche. La fenêtre s’ouvre, une main s’étend, un visage souriant: » Ah, c’est vous qui logez chez nous ce soir! »

C’est comme ça que ça se passe ces jours, depuis que Jean-Daniel Steib de Horbourg-Wihr a activé son « réseau de lait »!

Mais je reviens encore un peu en arrière.

Depuis le lycée agricole, pardon la FERME du lycée agricole, je prends direction Herrlisheim, où « ma »famille Graber a trouvé un abri pour Speedy. Il va bien maintenant, mais c’est comme s’il avait passé son problème à Barou: depuis Raedersheim il boîte, lui, et je dois vraiment veiller sur lui. Heureusement j’ai toute  une pharmacie avec moi et après quelques jours le problème est réglé, mais je suis une fois de plus confrontée à la fragilité de la route, où on ne peut pas faire comme chez soi.

Aujourd’hui les deux bêtes vont bien, et la petite trotte à travers la forêt vers Herrlisheim est belle. Pas de rencontres en cours de route cette fois, juste des gens qui s’arrêtent pour faire un grand sourire et me souhaiter bonne route.

J’arrive à la pension des chevaux, où Speedy est accueilli avec beaucoup de gentillesse. Moi je retourne à Rouffach, mais cette fois c’est moi qui chope le « virus » de boîter, et je suis rudement contente quand google me révèle qu’il y a un train dans une heure.

 

Samedi: Christian arrive à la ferme de Raedersheim, je dis au revoir à tous les trois qui m’ont si merveilleusement fait sentir que j’étais, vraiment!, la bienvenue.

A travers les champs vers l’Ill, qu’on longe pendant de longues heures. C’est beau mais chaud. Sundhoffen trouve Christian et moi sur un banc, épuisés, peut – être aussi un peu par la lenteur. Le trajet est plus long que prevu, encore une fois le gps qui n’en fait qu’à sa tête. ..Mais à ce moment même arrive un sms de Jean-Daniel:  » On se réjouit de vous voir! » Je réponds : « On est seulement à Sundhoffen! »  – « Voulez-vous que je vienne vous chercher? » Le visage de Christian s’illumine :  » Oh oui oh oui, dis-lui oui! »

Après 10 minutes ce veinard s’installe tranquillement dans la voiture pour aller chercher la sienne, moi je me tape les 6 derniers kilomètres avec Speedy et Barou. Il fait plus frais, ça va plus vite, Christian vient à ma rencontre mais c’est quand même 19.00 quand tout le monde arrive sain et sauf.

 

Dimanche: D’abord au culte avec Jean-Daniel et Doris. Doris est sourde mais c’est incroyable comme elle se débrouille en lisant sur les lèvres, ça m’impressionne.

En route vers Jebsheim.  Speedy n’a pas envie aujourd’hui alors on appréhende un peu la marche aujourd’hui : pour la première fois je vais charger Speedy normalement. Mais étonnamment il marche mieux avec bagages que sans! Est-ce qu’il a envie de reprendre le travail? De montrer qu’il veut bien faire un effort maintenant que je l’ai laissé tranquille pendant une semaine? En tout cas il trotte joyeusement vers Jebsheim. Maintenant c’est Christian qui est pris par ce curieux syndrome de boîter, mais Jean-Daniel vient encore une fois à sa rescousse et il peut partir tranquille pour la Suisse.

Lundi : Jebsheim, chez Jean-Daniel et Janine Baltzheimer, Ohnenheim, chez Achille et Ginette Schmitt. J’arrivais hier soir, je décharge Speedy, et me voilà déjà embauchée pour amener le patron à son tracteur. J’adore, car toute la journée j’étais enveloppée de nuages de poussière venant des gros camions et tracteurs qui fonçaient avec leur maïs à travers les champs. Cette fois c’est moi!! Quand je vois comment Achille conduit ce qu’il appelle son « char d’assaut » ( tracteur sur la route? Pas de problème, on fonce dans le champ!)je me dis que ça, je sais faire aussi. Youpie!!

Maintenant je finis mes nouvelles dans ce champ sur le chemin vers Baldenheim, car j’ai enfin le temps: petit trajet, pas de gps donc j’arrive où je dois être, en plus grâce aux bons conseils des gens sur la route.

Merci Seigneur, pour les gens sur la route. Les discussions dans les champs (Jean-Pierre), sur les pistes cyclables ( Gabriel et les autres), devant la porte (d’innombrables, mais aujourd’hui spécialement Bertrand), dans les cuisines et devant les écuries. Merci pour Speedy, brave, fidèle, et Barou, dont on ne dirait jamais qu’il a 86 ans selon le calcul humain.

Et moi, où j’en suis avec moi – même? Je ne me sens pas hautement spirituelle ces jours. Dommage. Dommage? Sais pas. Dieu ne me parle pas beaucoup. Pas comme ce weekend où on priait ensemble, Viviane, Christian et moi. C’était tellement fort! Tu me manques, Vivi!

Dieu ne me parle pas beaucoup. Mais ce qu’il me dit reste dans mon coeur.

Mardi 17 octobre

Raedersheim…C’est là que je vais rester trois nuits mais je ne le sais pas encore quand j’arrive enfin au village après une sacrée trotte: c’est beau les pistes cyclables en Alsace, mais suivant où on va, elles nous font faire des sacrés détours. Mais c’est là que Speedy est le plus à l’aise pour le moment. Son sabot avait bien guéri, mais il avait commencé à trébucher pas mal, alors on y allait tout doucement.

La nuit tombe, j’admire Raedersheim. .. de loin. La route devient dangereuse alors je fonce dans le village. Mon gps me mène sous les chemins de fer à travers le passage sous-terrain, Speedy suit comme un agneau. Après quoi ce même gps trouve qu’il a fini son travail et me mène en rond à travers le village avant de se diriger fermement vers Merxheim. Mais je ne veux PAS aller à Merxheim, je veux trouver la maison des Graber. Heureusement Claire Graber me repère et me mène, 100 mètres par cent mètres, chez elle, à 19.30. Un abri pour Speedy, un palais pour Barou et moi: l’appart vide de l’apprenti! Et les repas partagés ensemble, ces prochains jours, et le temps de faire connaissance et de discuter et de prier…

Les prochains jours je vais trotter avec mes deux bêtes en sachant où je vais dormir, et je me rends compte à quel point ça m’avait quand – même préoccupée: d’aller dans l’inconnu, comme dit Gérard Graber, qui comprend pourquoi ce n’est pas facile, sans bagages donc dépendant des gens rencontrés sur la route.

C’est Claire qui vient me chercher le soir quand j’ai parqué Speedy à un endroit que les hommes,  Gérard et Joël, fils et patron, m’auront déniché. C’est Claire qui va chercher des croquettes pour Barou parce que je n’en ai pas aasez.

C’est Claire encore qui fait ma lessive parce qu’ après une semaine dans les mêmes fringues, ça devient limite !

Le premier jour on trotte sous un soleil éclatant à Rouffach, lycée agricole. On m’a dit qu’il y a une ferme en face. J’arrive, pas de ferme. Mais beaucoup d’apprentis qui rigolent. Je téléphone au paysan, José Schmitt. « Il faut aller au lycée agricole », dit-il. « Oui, mais j’y suis! » « Attendez 30 secondes,  j’arrive avec le tracteur! » Je suis un peu perplexe: 30 secondes? Avec un tracteur au milieu de la ville? Le téléphone sonne. « Moi je suis dans la cour, vous êtes où ?  » « Ben moi aussi je suis dans la cour, vous êtes où ?  »  » Mais- vous êtes bien au lycée agricole? La ferme est en face! » Je regarde: en face il n’y a qu’un mur et une église. Je désespère. Jusqu’à ce que la voix dit:  » Ah, mais vous êtes au lycée agricole, vous! » « Euh, oui… » « Mais c’est la FERME du lycée agricole! Elle est à 3,5 kilomètres! »

Soupir.. On y va, Speedy, hop,Barou, encore une petite heure et demie..!

 

Lundi 16 octobre

Ca fait longtemps que je n’ai pas donné de nouvelles, tout le temps semble rempli de marche, de recherches sur la carte, de discussions avec les gens rencontrés en cours de route ou avec ceux qui m’accueillent chez eux. Chez eux, oui, littéralement, car depuis le premier jour à Joncherey je n’ai plus dormi sous ma tente mais presque toujours dans la maison de quelqu’un. C’est un peu comme si, avec les problèmes de  Speedy et ensuite ceux de Barou, j’ai besoin de sécurité, je veux être au sec et au chaud avec mes deux bêtes pour la nuit.

Là je sors de table à Jebsheim, Barou ronfle à côté de moi, il ne boîte plus; Speedy communique avec les veaux. Tout le monde à l’abri, c’est devenu important lors de ce voyage.

Avec la famille qui m’accueille ici on sort d’une discussion sur la question pourquoi Dieu n’intervient pas pour empêcher le mal. Question pas nouvelle mais toujours urgente quand on part d’une situation concrète.

Demain j’essayerai de raconter un peu la semaine…

Mardi 10 octobre

« Je trouverai d’autres solutions pour transporter mes bagages » – il faudrait  plutôt dire: les gens les trouvent pour moi! Car à Dannemarie j’ai téléphoné au camping de Heimsbrunn en expliquant ma situation et la propriétaire me dit: »Pas de problème, je viendrai chercher vos bagages. » Wow!

Alors je quitte ma petite chambre d’hôte super sympa chez M.Dietmann (« Vous pensez que j’ai quel age? » – « Euh, 70? » – « Non, 85! ») après un petit concert privé de sa part, car il était accordéoniste, et me dirige vers Heimsbrunn.

Speedy est de bonne humeur, le canal du Rhône au Rhin est splendide

(voir photo!).

On avance bien mais toujours du goudron c’est pas drôle, alors quand deux cantonniers avec qui je discute me proposent un chemin à travers la forêt je suis toute enthousiasmée.

Deux heures plus tard je ne suis plus enthousiasmée du tout car perdue. Malgré la bonne carte de Marcel et ma conviction de me débrouiller pas mal. Malgré mon gps qui me dit d’aller « nord-ouest », merci c’est sympa mais le ciel est d’un gris épais et la boussole tourne comme une hélice. En plus j’ai tellement tourné que mon gps a perdu le nord et tourne, lui aussi. Jamais vu ça. Speedy hausse presque visiblement les épaules et broute, moi j’ai peur des sangliers à cette heure-là et prie juste Dieu de me sauver de ma détresse et de mon gps.

Ce qu’il fait mais c’est devenu tard et j’ai apparemment fait une immense boucle.

A 18.00 on arrive au camping, j’achète une boîte de petits pois et suis heureuse, Barou ronflant à mes pieds dans ma petite caravane pour 15,- la nuit…

 

…Où je dors aussi cette nuit, car j’ai trouvé un logement pour Speedy à Wittelsheim mais pas pour moi.

Ça me fait rigoler encore, le visage perplexe de Anaïs qui voulait poser sa voiture devant la maison de sa maman et y tombe sur un âne, un chien et une femme totalement inconnue en train de faire des mouvements suspects. Au fond, j’avais aperçu une petite grange à Wittelsheim, dans une grande cour autour d’une grande maison, et j’étais en train d’explorer tout ça.

Résultat : la maman, que je n’ai jamais vue mais qui a une voix tellement gentille au téléphone, héberge Speedy pour la nuit, Anaïs m’a ramenée au camping et demain je reprends Speedy pour aller à Raedersheim, chez Joël Graber que je ne connais pas encore. Et grâce à  Monique, la propriétaire du camping,  nos bagages nous y attendent.

 

Dimanche 8 octobre
Me voilà devant une immense pizza et un petit pichet de rouge, Barou à mes côtés. Speedy, au chaud dans l’écurie des Goldschmidt à Dannemarie, mange du foin. Moi je loge dans une toute petite chambre comme on ne les voit plus en Suisse: vieux de vieux, avec une immense armoire et des tableaux prussiens horribles sur les murs, mais super sympa!
Pour revenir en arrière : Anne-Marie et Dominique m’accueillent comme une reine dans leur vieille maison garnie de vingt chats et deux chiens! Quand j’arrive à Chavannes-les-Grands, avec Speedy en détresse, Dominique hoche tout de suite la tête : « Mais oui, venez! »
Barou et moi, on dort dans la chambre de la maman, Speedy dans la vieille écurie. On a le temps pour beaucoup discuter, car les vétérinaires sont tous débordés par des urgences, je dois attendre le lendemain à 16.15 avant qu’un veto se penche sur la patte de Speedy. Il pense qu’il s’agit d’un abcès et doit gratter profondément : »Mais qu’est-ce qu’il est gentil votre âne! » Après un pansement l’âne peut se reposer. Entretemps Patricia, rencontrée en en cours de route chez Claude et Nelly, vient me chercher: elle me prête sa maison pour tout le weekend, Christian et Viviane inclus! Elle même est loin, mais elle a tout préparé : lit, repas, et sa meilleure bouteille de rouge! Pourquoi elle offre tout ça à une totale inconnue? « Ca m’a tout de suite fait tilt quand je t’ai vue, je trouve merveilleux que tu sois en route ainsi… »
C’est beau et c’est étonnant : ni elle ni Dominique et Anne -Marie sont « branchés sur Dieu », selon eux – mêmes. Mais quelle hospitalité, quelle générosité, quels efforts pour une pasteur paumée avec son âne boîtant…
Christian et Viviane arrivent, c’est trop beau, on échange et on prend pas mal de temps pour écouter Dieu ensemble : »Qu’est ce que tu veux, toi? Comment on continue? Speedy pourra-t-il continuer? Et comment on va se loger? » Car j’ai remarqué : les paysans sont d’accord de me loger, moi, et Speedy dans une écurie. Barou par contre… exclu de le loger à l’intérieur. Mais il devient trop âgé pour être laissé tout seul dans un hangar, dehors, totalement exposé aux courants d’air. A la « ferme aux chats » il était menacé et agressé par les chats et les autres chiens. Pas facile… Alors ça fait énormément de bien de prier maintenant ensemble, d’écouter Dieu en disant: » Que ta volonté soit faite mais …dis-nous où tu veux aller, toi, et comment tu veux t’y prendre. » On est unis, on cherche, et on trouve des bribes de réponse, assez pour avancer. MERCI Christian et Vivi, d’avoir été là, comme vous êtes, amis et frère et soeur, pour aider et soutenir, et aussi pour manger ensemble et rire et nous balader…!
Aujourd’hui nous sommes partis pour Dannemarie, Jacob nous avait dit que c’était ok de partir. Super balade! Speedy boîte pas mal au début mais ça va de mieux en mieux. Puisque Christian a mis tous les bagages dans sa voiture on voyage léger. Et s’il va assez bien demain, ça continuera comme ça : pour le moment je ne le chargerai pas. Je trouverai d’autres solutions pour transporter mes bagages…

Mardi 3 octobre

Hetty, Barou et Speedy sont arrivés dans l’après midi au camping le Passe-Loup à Joncherey (France) point de départ de la marche qui les conduiras à Strasbourg pour le 27 octobre.

Mais d’abord le super départ : un repas festif chez Jacob et Marguerite, les propriétaires de Speedy. Puis ils nous amènent au camping de Joncherey, où je m’installe avec ma mini tente de camping. Christian reste pour m’aider et on mange fraternellement la soupe avant qu’il reparte pour la Suisse.

Ma mini-tente, choisie exprès pour charger Speedy le moins possible, s’avère une horreur : il pleut dedans, tellement il y a de la condensation. Le matin tout est humide, je mange mon petit dej en grelottant sur un banc, j’entends une voix: »Je peux vous offrir un café? » C’est Jean-Marc, avec qui je discute pendant trois heures, d’abord sur le banc, puis dans sa caravane. Pas-si-on-nant!

Je charge Speedy, ça dure toujours une éternité les premiers jours. Et hop!, en marche pour Strasbourg. Par beaucoup de virages d’ailleurs, car chaque personne rencontrée me dit autrement comment arriver à la ferme que le secrétariat de la communauté mennonite m’a recommandée. Car je refuse une autre nuit sous la pluie…

J’y arrive, quel accueil super sympa! Mais Barou n’est pas accepté dans la maison, il va dormir avec les petits veaux…

On mange, Marcel, Susanne et moi, on parle on parle on se découvre!

Ce matin je pars, Marcel m’a dit que si je ne fais pas au moins 10 km par jour, je ne vais jamais arriver à Strasbourg. Et google qui m’avait promis que ce n’était que 140 km…! Erreur.

Alors je pars tôt mais Speedy a de la peine. Son sabot droit l’embête, non, j’ai raclé trois fois, ce n’est pas un caillou. Que faire? Pause. Je demande de l’eau vers une maison, Claude et Nelly m’invitent à manger, je décharge Speedy pour qu’il puisse se reposer.

Le temps de parler un long moment ( pourquoi Dieu – ou pourquoi PAS Dieu ), je me dis que mon âne ira mieux mais non. Alors après seulement 6 km (oui Marcel je sais) je cherche et trouve une ferme, où Speedy est à l’abri dans une écurie et moi au sec AVEC Barou dans une chambre inoccupée.

Demain je téléphone au vétérinaire…