Etapes de Janvier – Février 2010


9-10 janvier

La reprise dans le hangar, ce premier week-end de la nouvelle année, est tranquille. Quelques personnes viennent dire bonjour, Fofo amène des croissants, je bois un café avec lui et avec les gens qui viennent acheter de la nourriture pour leurs bêtes, je cause avec les jeunes qui viennent réparer leur voiture. Le soir, je mange la fondue chinoise avec une personne d’Ecublens, et ensemble on refait le monde comme il se doit…

Dimanche, je découvre la vie sans eau: les tuyaux sont gelés. Le matin, j’attends bêtement sous la douche mais il n’y a rien qui sort. N’ayant pas encore bu de café, ça me prend quelques secondes pour me rendre compte ce que cela signifie: pas d’eau pour la douche ni les toilettes, ni pour le café justement; pas d’eau pour la vaisselle – aïe! Les assiettes et le caquelon de fondue, comment vais-je faire pour les laver?

Heureusement qu’il y a de la neige en abondance. Après le recueillement j’en ramasse pour la fondre dans une casserole (c’est fou la quantité de neige qu’il faut pour un tout petit peu d’eau!), et je sors faire la vaisselle. C’est une expérience, comme on dit! Bientôt la neige autour du hangar a pris des couleurs bizarres suivant qu’il s’agissait d’oignons, de viande, ou plus vives celles-ci… des différentes sauces!

C’est ainsi agenouillée dans le froid avec les mains bleues qu’il me trouve, cet homme qui est déjà venu à Ferlens et ici au hangar, et qui revient pour échanger un moment. On prend le café, on parle, et après on monte en haut, dans le deuxième bureau aménagé un peu plus en chapelle, pour prier. C’est fort, on porte vraiment un moment ensemble ce joug d’un papa en souci pour sa fille, c’est presque davantage une lutte qu’une prière. Cet homme fait pour ainsi dire confiance pour deux, jusqu’à ce que sa fille puisse à nouveau retrouver sa confiance elle-même. Cela me rappelle un peu cet homme interviewé dans une émission concernant l’ACAT à la TV Romande, il y a longtemps déjà mais que je n’ai jamais oublié: «Si on est torturé, il faut être homme pour deux – jusqu’à ce que le tortionnaire retrouve son humanité lui-même.»


15-16 janvier

L’eau est revenue! C’est dans le manque qu’on retrouve la reconnaissance pour cet élément si essentiel à notre vie…

C’est d’ailleurs identique avec une voiture, même si elle est nettement moins essentielle: c’est rudement embêtant quand elle nous lâche… surtout si, comme moi, on se partage entre un domicile fixe sur un alpage totalement perdu vers les Diablerets (même les Ormonans, s’ils veulent expliquer à quelqu’un où j’habite, font une sorte de geste indiquant l’infini en disant: «Oh, c’est tout au fond là-bas…»), un pied-à-terre dans un petit studio à Lausanne et comme logement de week-end un hangar à Champagne… Heureusement que mon garagiste a pu me prêter une petite Subaru de dépannage. Il faut juste faire attention en ouvrant ou fermant la portière, sinon celle-ci reste sur place.

Samedi après-midi, j’ai la visite d’une dame malade qui vient de loin. Elle me marque beaucoup. Nous restons longtemps ensemble parce qu’il y a un long parcours de vie à partager. Elle et son amie restent pour le recueillement («Je ne vais pl
us à l’église, mais ici c’est différent»); ça me fait toujours très plaisir, c’est un peu comme si on bouclait une boucle, en remettant toute chose à Dieu ( et alors vraiment toutes choses ), en chantant, en priant les unes pour les autres, en recevant et en donnant la bénédiction.

Le soir ça change d’ambiance: nous sommes six à partager la fondue, Chantal a emmené ses copines, et aujourd’hui, c’est la fête à Françoise. Alors nous décorons la pièce d’en bas, Jean-Claude qui est venu pour le recueillement, donne un coup de main. Après quelques protestations («Oh, j’sais pas chanter – Moi, je n’connais rien! – Je vous écoute!»), surprise, on reste un bon moment en haut pour chanter des classiques et en découvrir d’autres, pour terminer avec «A toi la gloire!». Ensuite on mange, parle, écoute, rigole – j’ai le fou rire quand (dans la semi obscurité qui règne toujours le soir dans la pièce d’en bas, question de créer l’ambiance par des bougies et des petites lampes sympas) Edith découvre de très belles «stalactites» venant d’en haut et descendant sur son pull: la bougie trônant au-dessus de sa tête s’est littéralement penchée sur elle…

Dimanche quelques visites. C’est Franco qui vient m’aider pour ranger le dimanche soir. On est prêt à partir, je lance juste un SMS à Roland pour qu’il sache à peu près quand je vais arriver au restoroute de Lutry et je dis à Franco: «Vas-y seulement, c’est bon!» Celui-ci hésite – merci Franco, de ta prémonition! -: «T’es sûre?» – «Oui oui, c’est bon, aucun problème!» Mais quand je veux démarrer, il y a un silence lourd et pesant, suivi par un «plop!» fatigué. Franco, tel un chevalier des temps modernes, sort courageusement ses câbles de pontage: «Je ne l’ai encore jamais fait , mais je crois qu’il faut faire comme ça…»

On cherche une lampe de poche… On trouve. On cherche les indications pour savoir quel câble va à quel bout… On trouve. Franco me fait: «Si ça démarre, tu ne pars pas!» J’ai le fou rire, je me vois filer sur l’autoroute dans une Subaru décorée avec les câbles de recharge, laissant un Franco tout désabusé derrière moi…

Eh oui, ça marche! Maintenant juste encore descendre le capot… je m’étonne, ça semble prendre plus de temps à Franco que ça m’a pris pour le lever… des bruits bizarres m’indiquent qu’on n’est pas encore partis. Je n’ose pas quitter la pédale d’accélération sur laquelle je pèse fort par peur que la Subaru cale à nouveau, et à travers le hurlement du moteur je crie mes conseils: «Y a juste un trou, faut le sortir de là!». Franco, derrière le capot, désespère: «Oui, mais je ne sais pas comment!» Je connais un petit moment de satisfaction: Est-ce que moi, une femme techniquement sous douée, je saurais faire quelque chose qu’un homme ne saurait pas faire?! Alors on change de place. Mais mon triomphe est de courte durée: la baguette métallique, vieille et tordue, a complètement disparu dans le trou, impossible de la ressortir. Puisque c’est plutôt difficile de rouler avec vue imprenable sur le capot, on change à nouveau de place et j’encourage l’homme à utiliser de la force bru
te. Ce qui est fait, le capot récalcitrant descend humblement et enfin on peut partir. La portière décide de jouer le jeu et de partir avec. Au restoroute de Villette, je rencontre Roland qui a patiemment attendu, et nous passons encore un bon moment à régler les affaires sérieuses, à avoir encore des fous rires (j’en ai eu ce week-end) en corrigeant mes textes, et à se donner des nouvelles. Sympa, ces rendez-vous en mi-chemin, même si j’arrive tard dans mon coin «tout au fond là-bas».


22-24 janvier

Vendredi soir, je suis invitée chez une famille qui m’a hébergée en été. C’est chouette de se retrouver, c’est fort de se raconter des nouvelles, même si celles de leur côté ne sont malheureusement pas particulièrement heureuses…

Samedi, je repars avec la Subaru, ma propre voiture s’étant décidée à avoir des problèmes de freins cette fois-ci . Quelques visites, et le grand plaisir de retrouver l’enfant Jérémie dont j’ai fait la connaissance en été. Il s’était occupé de mes bêtes et m’avait aidé avec 1001 petites choses… On va sortir Barou ensemble, on lui fait faire le fou… et on parle de Dieu qui s’appelle notre rocher… Oui, c’est un drôle de mélange, mais un mélange assez caractéristique pour le hangar, comme pour le tipi; peut-être c’est le «cru d’Evangile-en-chemin»: le sérieux et le rire se poursuivent et s’attrapent…

Samedi soir c’est la fondue à six: Stef, l’expert tipi, est venue avec sa femme et sa fille, ainsi qu’un collègue de la Côte, et Valérie, de mon groupe de soutien, venue pour le recueillement. Avec le collègue, je prie pour un nouveau chapitre dans la vie de Valérie, et elle reste pour manger. Sympa de faire connaissance en se chipant la viande…!

Dimanche tranquille, la joie de retrouver Patricia que je connais depuis Yverdon, c’est la deuxième fois déjà qu’elle vient au hangar. Le soir, c’est Priscille qui m’aide à ranger, et on prend un long moment avant et après le recueillement pour se donner des nouvelles. Avoir quatre enfants à sa charge – quel bonheur mais aussi quelle responsabilité! Priscille ne peut pas souvent venir au hangar, alors je me réjouis doublement de cette rencontre prolongée. Je pars donc tard. Roland me dit qu’il est disponible au restoroute pour parler du rapport d’activité et d’autres tâches à accomplir.


29-31 janvier

Vendredi à 9.00 h. rendez-vous à la rue de l’Ale avec le groupe de soutien. Nous pensons en silence à ce que signifie pour nous l’appel de Paul en Galates 5, 1: «C’est pour être vraiment libres que le Christ nous a libérés!»; nous prions, nous parlons de l’objectif et des moyens d’Evangile-en-chemin, nous préparons la retraite de fin février à St. Loup, nous rédigeons et corrigeons des lettres… et à partir de midi nous faisons la mise sous plis de plus de 400 enveloppes contenant la lettre et les papillons pour les présidents des conseils et tous les ministres.

Je pars vendredi soir avec ma propre voiture fraîchement réparée. Peut-être trop fraîchement, car je détecte une odeur bizarre; mais je n’ai pas le temps de tester cette nouvelle situation, car deux bus TL se sont croisés sur la route d’
Oron et je dois laisser la voiture en bas pour terminer à pied jusque chez Jean-Luc et Laurence Chollet, les fermiers de Rovéréaz à Lausanne. Ils m’avaient accueillie en préparant un terrain près du rond-point de Rovéréaz. C’est si sympa de retrouver chez eux, entre autres les Trezzini: le facteur, Ricco, sa femme Chantal et bien sûr leur fils Florian. Florian, qui me téléphone régulièrement au hangar pour prendre de mes nouvelles et pour qui Barou est d’accord d’aboyer au téléphone! Après une belle soirée, nous descendons ensemble dans la neige, ils m’invitent dans leur appartement et nous parlons et prions encore un moment. Ensuite, le papa et son fils m’accompagnent jusqu’à la voiture.

Samedi, je pars vers mon hangar et j’arrive en fumant. C’est impressionnant, et quand je lève le capot même mes yeux non professionnels constatent des choses bizarres. Trois personnes sont venues pour me parler – c’est d’ailleurs depuis ce matin que je vais prendre des rendez-vous, pour éviter de trop longs temps d’attente – alors je confie ma voiture à deux ouvriers du hangar, je pars avec une dame de la Vallée de Joux que je connais depuis la Cascade dans le bureau en haut, et je donne rendez-vous aux deux autres dames pour le recueillement du matin qu’on fera à quatre, avec une heure de retard.

La dame malade revient, et on décide qu’on va se voir régulièrement pendant ces quelques mois dans le hangar. Pendant qu’on discute, la dame de la Vallée va chercher de l’antigel, car le bouchon du radiateur n’avait pas été mis et il n’y a plus d’eau. Ainsi, on arrive à midi, on mange ensemble…

Beaucoup de téléphones l’après-midi, et l’heure de chant, puisque c’est le dernier samedi du mois! Nous sommes seulement une dizaine cette fois, donc je dois laisser tomber mon rêve de chanter à quatre voix un chant basé sur l’andante du concerto pour piano de Raff… Mais à l’unisson, c’est très beau aussi, et c’est émouvant de chanter avec un orchestre! Tout le monde reste pour le recueillement, ce qui me fait chaud au cœur. Le soir, je suis si contente de retrouver un homme qui était déjà venu à Ferlens, le jour de Pentecôte. Autour de la fondue on parle, parle, parle… Dieu existe-t-il vraiment? C’est quand que la foi en la Vérité – l’Original – dérape dans le sectaire, donc la caricature? C’est tard quand il part, et il doit encore faire une heure et demie de route – mais ça valait la peine.

C’est surprenant: je n’ai pas encore réussi à lire un mot du cahier sur St. François d’Assise que Roland m’a donné pour ma fête. Il n’y a jamais foule, mais avec les visites, les téléphones, les SMS, les recueillements et les repas, les rangements et les imprévus, le temps est bien rempli au hangar.

(Entre parenthèses: le temps «autour» du week-end au hangar l’est encore plus… Ce mois de janvier semble particulièrement alourdi de dossiers, lettres, rapports, textes à corriger, papillons à pondre – merci Bernard! C’est la réalité, je sais bien, mais parfois ça devient trop lourd, et moi, je deviens trop fatiguée. Quand je fais mon petit calcul (oui, je sais, faudrait pas calculer mais puisque je parle de la réalité…) j’arrive à 40-45 heures par semaine – pas mal pour un mi-temps, je me dis, je vais essayer de trouver un m
eilleur équilibre.)

Ce dimanche matin, je suis contente qu’il n’y ait personne, comme ça je peux tester la voiture, voir si elle fume toujours, après les soins des mécanos. Fume? Ne fume pas?

Fume!! En plus, pendant que je guigne sous le capot, tout à coup le moteur commence à hurler. Je cogne ma tête en essayant de voir qui c’est qui s’est mis derrière le volant sans me demander – personne. Comme la fameuse Coccinelle ma voiture semble vouloir partir toute seule, ça me fait peur, alors c’est le TCS cette fois. Un gentil monsieur arrive, regarde, fronce les sourcils. Je peux, dit-il, aller jusqu’à Lausanne, mais pas rentrer chez moi à la montagne. Retour au garage tout de suite. C’est drôle à quel point c’est difficile pour moi, de ne pas pouvoir rentrer chez moi. C’est peut-être parce que je suis fatiguée, après ces week-ends où, n’empêche, je suis constamment sur le qui-vive – mais j’ai besoin de ce lieu où je peux me réfugier comme un escargot dans sa maison.

Tant pis. Le soir, après avoir célébré l’office, partagé et rangé avec Jean-Claude, je pars pour Lausanne. En cours de route, des drôles de bruits arrivent depuis quelque part en arrière – je les ignore. Puis un moment de frayeur, lorsque le caoutchouc d’isolation de la portière gauche décide tout à coup de se détacher dans sa totalité et de se coller autour de moi tel un anaconda prend sa proie dans la nuit – je serre les dents. A Lausanne, l’ABS développe une autonomie surprenante en se déclenchant maintenant tout seul, et quand j’arrive à Sauvabelin une majestueuse colonne de fumée monte silencieusement vers le ciel, accompagnée par les hurlements à la Coccinelle. Tout cela souligné par une odeur de je ne sais quoi et que je ne veux pas savoir. Mais maintenant, moi je fume aussi. J’en ai marre de ma décision de vivre modestement, je ne veux qu’une chose et c’est une voiture NEUVE!


5-7 février

Le jeudi et vendredi, ma tête tourne: arriver à Lausanne, lire et répondre à une quarantaine de mails plus une avalanche de SMS, chercher la voiture au garage (presque comme neuve!), préparer mon studio pour un copain qui ne trouve pas de logement, ce qui implique un mini déménagement de ma part, filer à la prison, faire la lessive, faire des commissions et surtout ne rien oublier pour la fondue, me rendre compte que mon modem est fichu et qu’internet ni outlook ne fonctionnent plus, me rendre compte que mon Natel ne reçoit plus tous les SMS, ou juste le mot «bisou», ce qui est sympa mais ne communique pas beaucoup d’information, filer chez Swisscom, commander un nouveau modem, changer le Natel, et filer enfin avec du retard vers les calèches du Jorat à Ferlens, chez Christian et Simone Emery qui m’ont accueillie le week-end de Pentecôte. Là, je retrouve la paix, un accueil chaleureux, plein de monde, un excellent repas et Aude, qui nous rejoint pour le café et les nombreux gâteaux, parce qu’on attendait un petit groupe de jeunes mais qui n’a pas pu venir. Soirée sympa, les discussions oscillant entre «le tout et le rien» et les questions sur Dieu. Aude, la future pasteure, et moi, nous sommes frappées par une remarque qui revient souvent cette soirée: «Au culte, on ne comprend pas». Les gens autour de la table venant d’endroits très différents, ce n’est pas du tout le pasteur du coin qui est en cause; c’est une remarq
ue générale, qui nous fait réfléchir. Aude et moi en parlons encore dans la voiture, quand je la ramène. Il semble que c’est moins la question d’un contenu intellectuellement incompréhensible, mais bien plus d’un sentiment général que ce contenu n’a aucun lien avec la vie quotidienne, réelle, des gens; une impression encore renforcée par un langage d’élite. – Attention! Evangile en danger!

Samedi au hangar, ce sont les parents de Jérémie qui viennent. On partage, on réfléchit, on prie. (C’est drôle, comme cette phrase résume toute une matinée…) L’après-midi je suis heureuse de voir enfin Robert Zamaradi, pasteur à Yverdon, car on a beaucoup de choses à se dire et un projet commun sur le cœur.

Pour le recueillement du soir, il y a Marie-Claude et Valérie d’Yverdon, Bernard et Gabrielle. C’est un partage tellement fort sur ce que ça veut dire que Dieu est Roi, que je propose qu’on prenne la Cène et qu’on se donne la bénédiction, même si «normalement» c’est prévu pour le dimanche seulement. Moment intense!

Discussion intense autour de la fondue aussi, avec ces deux femmes si impliquées dans la foi, et l’engagement concret que cette foi implique, mais aussi les questions concrètes qui en découlent… On finit tard, et après les rangements c’est à 1h30 que je retrouve mon lit de camp.

Dimanche, je ne me sens pas bien, mais les aspirines sont efficaces, en tout cas durant la journée.

Une longue discussion le matin avec une fidèle d’Evangile-en-chemin; repas hâtif, sortie du chien, la visite d’une collègue du Gros de Vaud, et un autre recueillement intense le soir. Tout à coup, je me rends compte qu’il n’y aura pas de recueillement le week-end prochain, puisque j’ai congé; et autant je me réjouis de vivre une semaine plus tranquille, autant je sens que ces rencontres vont étrangement me manquer. Etrangement, car je n’étais pas du tout une habituée; mais je me rends compte que j’ai découvert à travers Evangile-en-chemin une sorte de soif d’une vraie communion, une communion faite de partages authentiques, de chants et de prières, de vrai intérêt les uns pour les autres, d’envie de soutenir l’autre et d’être soutenu…