27-29 novembre
C’est un drôle de sentiment d’arriver au hangar de Champagne qui sera mon lieu d’hibernation…
Bernard et Aude sont là pour m’aider à m’installer ce vendredi 27 novembre, jour de mon anniversaire que j’ai choisi de fêter ici, avec des amis, dans ce lieu qui est un cadeau en lui-même.
Cadeau qui demande un peu d’adaptation quand même : dans le bureau en bas, où il y a des toilettes et une douche (quel luxe !), pour faire de la place, il faut pousser les papiers, les sacs de graines pour chevaux et les machines, car c’est et cela reste d’abord un lieu de travail. Avec un clin d’œil amusé on retourne les calendriers garnis de dames plutôt dévêtues, et on les remettra en place le dimanche soir, avant de partir. On donne un coup de balai et Aude vivra un week-end pénible, car elle est allergique à la poussière des farines et autres fines graines d’aliments pour chevaux qui sont fabriqués ici…
On prépare le bureau d’en-haut, qui est bien isolé et bien chauffé (que c’est agréable !), on place des paravents devant les bureaux pour que Fofo (comme tout le monde appelle Michel Forestier ici) et ses fils puissent retrouver tous leurs papiers (« Tu peux pousser un peu pour faire de la place mais tu ne touches rien ! » m’a-t-il dit), on sort la nappe, le piano, les bougies et la déco des armoires et voilà, une petite chapelle est née. On ajoute un petit sapin de Noël, et le résultat est vraiment sympa, un lieu pour rencontrer Dieu, l’autre, et soi-même, à l’abri du bruit des machines, des moineaux qui essayent d’entrer et de l’inévitable poussière omniprésente dans un lieu comme celui-ci qui est en même temps un moulin.
Ce soir-là, pour ceux qui vont venir, je prépare du « boerenkool met worst en vlaflip », repas-anniversaire de mon enfance. Pas tout à fait évident d’ailleurs, cette préparation, car Fofo travaille encore dans son bureau en bas. Alors j’utilise la voiture de Bernard comme cuisine, mais à la nuit tombée, je ne vois plus grand-chose. Cependant, le résultat sera bon quand même ! C’est si sympa de se trouver ensemble pour manger, pour la première fois dans ce nouveau lieu !
Les samedi matins, il est encore travaillé dans le hangar, donc je rencontre du monde. Déjà vendredi, en arrivant, je tombe sur Bernard Holdener, ancien garagiste et ami, qui est venu discuter avec Fofo. Et ce samedi matin, je vois un homme qui entre, me voit et, l’air perplexe, me demande : « Euh, vous faites quoi ici ? » J’explique, on boit ensemble un café, il revient l’après-midi avec des textes dont il a envie de discuter. D’autres ont juste l’air surpris, Fofo n’est pas connu comme un pilier d’Eglise… Il en a rigolé lui-même : « On va me demander si je suis devenu mômier, ben, ce sera à moi d’expliquer et… d’assumer ! » L’après-midi, comme il n’y a plus personne, je vends un sac d’aliments pour chevaux à des gens, puisque je suis là et que je sais où se trouve la liste des prix. Ensuite, je pousse un peu les accumulateurs et les machines pour installer ma « cuisine », c’est-à-dire, mon double réchaud de camping-gaz. Ce n’est pas la cuisine agencée dernier cri, mais ça fonctionne très bien comme ça. Les petits oiseaux volent autour de moi en espérant de trouver au
tre chose que des graines perdues.
Comme j’offre la fondue chinoise tous les samedi soirs, je débute ce soir avec mon groupe de soutien, qui, pour une fois, peut mettre les pieds sous la table, sans rien faire sauf manger. C’est bon, et il peut se préparer à l’avance si bien qu’on n’a plus beaucoup à faire pendant toute la soirée. Celle-ci est précédée par la rencontre-hangar du soir, dans la « chambre haute », et c’est bon de vivre cela tranquillement ensemble, nous qui sommes si souvent stressés par les choses à organiser. Dimanche tranquille : quelques visiteurs, des téléphones, des SMS, et du temps pour installer tout le reste.
4-6 décembre
Le vendredi soir du 4 décembre a lieu la première rencontre de « retrouvailles » avec des gens des lieux où j’ai passé en été. Puisque j’ai commencé avec Chardonne/Jongny, c’est là que je débute. Pas facile d’ailleurs, de savoir comment atteindre des gens rencontrés pendant les week-ends de l’été : il s’agissait de rencontres éphémères, de discussions improvisées sur le moment, très souvent avec des gens qui n’ont pas de lien avec une Eglise, donc qui ne lisent pas forcément le journal Bonne Nouvelle, et par conséquent ne savent pas que je suis de retour. Et même s’ils le savaient, est-ce qu’ils viendraient ? Car le partage avec les gens, cela vient plutôt spontanément, le tipi et l’âne se trouvant sur leur chemin. Ce n’est pas certain qu’ils auraient envie de revenir maintenant, lorsque c’est planifié… Oui, c’est vrai, il y a des contacts qui se poursuivent, et j’ai régulièrement des coups de fil ou des SMS des gens que j’ai rencontrés en cours de route. Mais la plupart du temps, je n’ai pas de numéro de téléphone de la personne, parfois même pas de nom… – Je ne les oublie pas pour autant.
Peu de monde donc, mais un accueil joyeux, de bonnes choses à manger, et une chouette discussion sur Evangile-en-chemin, avec aussi quelques questions : C’était bon ce qu’on a pu vivre ? Comment faire mieux ? Qu’est-ce qui a manqué ? Faudrait-il travailler davantage avec les paroisses pour qu’une dynamique s’établisse ensemble sur place ? Ou se distancer des paroisses pour que des gens mal à l’aise dans les structures officielles se sentent concernés ?
Ces questions se poseront souvent dans les semaines qui suivent, et ce n’est pas facile de trouver le bon chemin, les critiques de « trop peu » ou de « trop » venant de chaque côté. Mais c’est bon d’en parler et d’essayer d’esquisser un bout de solution.
Les week-ends de décembre sont marqués par les préparations de Noël, ce qui veut surtout dire pour le moment : se faire connaître. Car organiser une heure de chant et assurer une permanence, c’est très bien, mais si personne ne le sait… Donc, il faut des dates, c’est à dire négocier avec Fofo, avec les collègues, ne pas marcher sur les platebandes des autres… Puis renégocier une autre date, la première ne jouant pas, puis préparer des papillons…
J’utilise ce week-end plutôt tranquille pour l’organisation, mais aussi pour trouver mes repères dans « mon » hangar, ranger ce qui est resté en rade, chercher une meilleure utilisation de l’espace… Quelques visites le samed
i après-midi, le soir ce sont Fabienne et Roberto qui m’ont accueillie à Bofflens, qui viennent pour la fondue. On discute longuement de ce Dieu « qui est qui Il est », qui ne s’adapte pas à nos critères ni à nos désirs, même s’Il nous aime de tout son cœur. On rigole aussi beaucoup, on parle aussi de toute autre chose…
Avant de manger, je montre toujours la « chapelle » en haut, je propose un chant et ceux qui sont d’accord chantent avec, ensuite on descend puis on mange… (Bonne idée de Gabrielle, la femme à Bernard !)
Dimanche, une dame rencontrée à Bofflens vient avec son fils voir mon « ermitage »-hangar. Sympa de reprendre le fil, de discuter, de recevoir un dessin du garçon ! Oui, les dessins qui étaient déjà les bienvenus dans le tipi, le sont aussi dans le hangar !
Et l’après-midi c’est la joie de retrouver un Monsieur âgé dont j’ai fait la connaissance comme pasteure à Fiez. Il vient en bus, heureusement qu’il y a un arrêt tout proche devant le bâtiment « les flûtes de Champagne » , mais je vais quand même le chercher en voiture. Il reste pour la rencontre-hangar du soir, et partage avec Jean-Claude et moi sur le thème de la confiance. Quand on vient de perdre sa femme, ce mot prend encore une toute autre signification…
11-13 décembre
Vendredi soir, je suis chez Séverine et Denis Reymond, qui m’ont accueillie à Forel, là où Speedy était parti pour son excursion nocturne (voir sous les Nouvelles de 15-17 mai !). Les monitrices de l’école du dimanche, qui avaient amené 30 enfants et leurs parents pour la fête, ce dimanche-là, ne peuvent pas venir, achats et préparations de Noël obligent… Il y a juste Séverine, les parents de Denis, le pasteur du lieu, François, qui viendra un peu plus tard et moi. Denis doit partir pour un souper de la Municipalité, donc au début, nous sommes un peu déçus d’être si peu. Mais une chose surprenante arrive : comme souvent aussi en été, le fait d’être peu nombreux se transforme tout à coup en une formidable occasion. Car quand on est peu, on ose se confier, et dire des choses dont on aurait de la peine à parler dans un groupe plus grand. Et alors on parle de Jésus, de l’Eglise, de ce qu’elle offre et n’offre pas, de nos propres peurs et envies, du baptême… Et je pars avec beaucoup de reconnaissance, aussi pour une collaboration qui s’est donnée sur le moment avec le pasteur de la paroisse : moi déclenchant, de par mon ministère en chemin, des questions, et François reprenant le flambeau en proposant des chemins sur place…
Le samedi Jacqueline et Martine de l’Ouest de Lausanne viennent pour voir le lieu et vivre la rencontre-hangar, pour discuter et manger (encore du boerenkool ! C’est que j’avais profité du voyage en Hollande à l’occasion de l’opération de ma maman pour prendre avec moi un vrai arsenal de bonnes choses hollandaises… ). Martine regrette que le marché de Noël de Grandson ait lieu demain dimanche, elle aurait bien aimé y faire un tour. Tout à coup nous voyons une possibilité de faire connaître Evangile-en-chemin. Mais…il faut des papillons, et vite, et beaucoup ! Coup de fil à Bernard : « Aurais-tu, peut-être, le temps pour…. ? ? ! ! » Bernard, comme c’est son style, prend le temps, alors nous trois, on pond un texte dans l’après-midi, on le transmet par SMS &agrav
e; Bernard qui met le texte en page et le photocopie… Malheureusement, ce soir même sa photocopieuse tombe en panne, alors ça donne des copies d’une qualité plus que douteuse. Tant pis, on n’a pas le temps, il amènera 400 exemplaires douteux dimanche matin !
Le soir, c’est le pasteur de la paroisse de l’endroit, Jean-Nicolas Fell, et sa femme Dana qui viennent pour la fondue. On s’est entrevus lors de l’apéro à Fiez mais cela n’a pas suffit pour savoir un peu qui est la personne en face, et c’est très chouette de pouvoir faire connaissance un peu autrement.
Dimanche, je pars toute la matinée à Grandson pour distribuer mes minables papillons à tous les marchands et tous ceux qui veulent bien les prendre. Pour finir, c’est assez sympa, car je dois parfois clarifier les trous dans le texte, et ça crée le contact. Les gens hochent souvent la tête car ils connaissent apparemment le problème : « Oui, ça m’est aussi arrivé, juste au moment où il ne le fallait pas.. !
Je rencontre un nombre incroyable de personnes, ce dimanche matin, il y a ici aussi des retrouvailles. Un couple rencontré va venir le samedi suivant pour la fondue, en se disant que « tout le monde devra attendre alors nous, on vient tout de suite ! »
L’après-midi, un « ami-du-chemin » vient me voir ; on avait discuté pendant une heure-et-demie dans un pré au-dessus de Ferlens (voir sous 29-31 mai), et cela lie ! Nous parlons, nous prions ; nous chantons à deux ,accompagnés du piaillement des moinaux.
Franco et Chantal viennent à la rencontre du soir, nous parlons de la « table préparée » évoquée dans le Psaume 23, le partage va en profondeur, nous rigolons aussi beaucoup… C’est ce mélange que j’aime, puisque l’un complète tellement bien l’autre…
18-20 décembre
Week-end chargé mais chouette !
Le vendredi soir était prévu chez Nicole et François Chamot de Palézieux. Après le souper on avait l’intention d’aller au Noël de la commune.
Mais voilà que je reçois un coup de fil de la secrétaire communale :
– Pourriez-vous chanter ce soir-là ?
– Euh…
– Vous savez, on nous a dit que vous chantez bien, alors…
Ok, mais pas pour me produire devant les gens, cela m’intimide trop, j’ai les mains qui transpirent et la gorge serrée. Par contre, chanter avec les gens, alors ça oui !
Me voilà brusquement au téléphone jeudi avec Jean-Jacques, un des pasteurs du coin (Evelyne étant en arrêt de maladie), puis devant l’ordinateur pour écrire les textes qu’il faut transmettre à la commune, dernier délai à 17 h. car elle doit faire 200 copies. Ensuite j’essaye de résoudre le problème du papillon de Noël avec Bernard. C’est un peu le stress, car l’imprimeur a perdu sa clé USB et Bernard a perdu son modèle… Enfin, je vais vite à la prison, où je travaille tous les jeudi soirs.
Vendredi matin, le groupe de soutien tient séance au secrétariat de l’EERV à la rue de l’Ale. C’est sympa de se trouver une fois ici. Toutes les autres rencontres avaient lieu à l’endroit où se trouvait le tipi, cela permettait de voir ce qui se passait sur place. C’est bon d’être au milieu de toutes ces personnes travaillant dans et pour
l’Eglise : on met des visages sur des noms, on se salue, et cela permet au groupe de rencontrer Xavier Paillard, Conseiller Synodal, qui prend le temps de nous écouter et de nous interpeller.
L’après-midi je dois faire un saut à Concise pour parler avec le municipal M.Baume du cabanon que nous avions d’abord prévu comme ermitage, avant que l’Etat prononce son véto. Ensuite j’ai rendez-vous avec Chantal au marché de Noël d’Yverdon, pour distribuer des papillons invitant au chant et à la permanence de Noël dans le hangar. Ils sont tout beaux, tout neufs, et cette fois, les photocopies sont bonnes…
Cette distribution au marché d’Yverdon est le résultat d’une sorte de pari avec Chantal. On ne se sent pas à l’aise pour faire de la pub dans les rues, ni elle ni moi, mais puisqu’il faut bien faire connaître Evangile-en-chemin, et que cela avait si bien marché à Grandson… Alors on s’est lancé le défi mutuellement : ce n’est pas notre style, mais faisons-le quand même !
Yverdon n’est pas Grandson. Les marchands sont d’accord et gentils, mais un Monsieur à qui je donne un papillon avec un grand sourire (car il semble vraiment très intéressé !) s’avère être l’organisateur du marché qui n’apprécie pas du tout de me voir là en faisant « de la concurrence ». Je vois mal quelle concurrence on peut faire en offrant une permanence de Noël du 24 au 27 décembre alors que le marché sera déjà terminé, mais il n’aime pas l’heure de chant du 19 décembre. Alors je pars, Chantal aussi, elle qui est tombée sur un gentil policier qui l’a laissée distribuer tous ses papillons dans les rues…
Le soir, je me rends à Palézieux. Je me paume dans la pampa et dans la neige, moi qui me vantais connaître le coin après l’avoir traversé en long et en large avec mes deux bêtes et le reste… Si bien que c’est avec du retard, que j’arrive tout de même. Il est bon de retrouver François et Nicole et leur tout petit bébé-âne, que François prendra pour le Noël communal « pour qu’il s’habitue ». L’église est presque pleine, et j’écoute avec émerveillement le discours du syndic : les discours officiels, ce n’est pas ce que je préfère en général, mais celui-ci est exceptionnel. Voilà quelqu’un qui parle des questions humaines et des questions sur Dieu, qui ose remettre la foi chrétienne au milieu du village – et tout cela en quelques minutes !
Entre saynètes d’enfants, musique d’orgue et cortège d’ânes, je suis contente de chanter avec les gens qui doivent un peu s’habituer mais qui semblent aimer. Et je mets tout mon cœur dans « les anges dans nos campagnes », car qu’est-ce qui est plus beau que de chanter ici sur la terre, entre humains, ce chant qui a commencé au ciel, entre anges? Comme si Dieu avait dit : « Voilà, c’est comme ça que la vraie Joie se chante – écoutez bien – maintenant c’est à vous ! »
Car ce n’est que quand terre et ciel s’unissent que Dieu est vraiment heureux. Et nous aussi, car on chante sa gloire non pas parce qu’il faudrait combler une sorte d’ego divin. Mais parce que l’être humain qui reconnaît ce Dieu, sa personnalité, son « caractère », peut enfin trouver sa paix…
Samedi : je me réjouis
de l’heure de chant à 16 h. Je prépare des chaises en bas, dans le hangar même ; il fait tellement froid que Bernard a apporté des chauffages. Je suis en train de préparer du vin chaud quand les premières personnes arrivent, Lydie et Ben et leur fille, dont j’ai fait la connaissance à Yverdon. On attend les autres en haut, au chaud. Pour finir, on peut même rester au chaud : 15 personnes, c’est assez coincé mais cela va – tout juste ! On chante et on a tellement de plaisir (pour une fois qu’il y a assez d’hommes !) que, lorsqu’on prend le vin chaud, on décide à quelques-uns de répéter l’expérience – tous les derniers samedis du mois jusqu’au printemps (Bienvenue à tous ! !)
Pour la fondue de ce soir-là, sept personnes se sont inscrites, avec moi on est donc huit autour du caquelon. C’est la bataille assurée! Quel plaisir de voir les Bordini et les Potterat, avec Gilles, sa copine et leur fille ! Pourtant ils doivent braver une obscurité presque totale pour entrer dans le hangar, car pour la enième fois les fusibles ont lâché. C’est qu’il faut choisir entre deux chauffages dans le bureau en bas où on mange (et ça caille, ce week-end !) – ou la lumière eextérieure pour montrer aux gens le chemin. J’ai préféré la chaleur, si bien que j’ai de la peine à reconnaître le jeune homme qui entre en tâtonnant, suivi par d’autres. Pensant qu’il s’agit d’inconnus qui viennent juste me rendre visite, et m’imaginant déjà douze personnes autour d’un caquelon solitaire, mon geste d’accueil manque un peu de conviction. Heureusement l’homme au grand sourire s’avère être Gilles, mon ancien catéchumène, donc tout va bien.
On va en haut, je propose de chanter, on est mitigé (« Oh non alors, pas moi ! »), on chante quand même un chant de Noël, on y trouve goût, on continue, on chante un gospel à deux voix, on rigole beaucoup, et on redescend pour manger.
C’est bizarre, ces fondues chinoises du samedi soir. Elles sont gratuites, dans le premier sens du mot : les gens ne payent pas, ils apportent parfois juste le dessert. Et elles sont gratuites dans le sens qu’elles ne sont pas un piège caché, comme quoi une fois que vous y êtes on ne vous lâche pas avant d’avoir parlé de Dieu… Maintenant, après plusieurs fondues, je me rends compte que c’est justement cette gratuité qui rend libre et qui permet alors aussi de parler de l’Evangile à un moment ou un autre, là où c’est donné. Et c’est donné plus souvent qu’on ne le pense…
24-27 décembre
Une permanence de Noël dans un hangar…dans un lieu où la nourriture attend les animaux pour qui elle est préparée…un peu comme une mangeoire ! dit Bernard.
Du jeudi 17 h. jusqu’à dimanche 17 h. Avec comme exception le 25 et le 26 le soir, où je vais dans mes deux prisons. On me dit après coup que 24 H.(pourtant bien averti) a mal annoncé les horaires, et que des familles sont venues le dimanche à 20 h., pensant que je serais là jusqu’à 22 h…Mince alors, car ce week-end, j’ai du temps. Avec la fragilité d’Evangile-en-chemin, on n’a pas besoin de tels couacs dans l’info et la communication.
Oui, des couacs… Il y en a eu, bien sûr, depuis le départ du mois de mai. Puisque tout est nouveau, on invente, on improvise, on fait avec la réalit&eacu
te; telle qu’elle se présente, on prend les offres faites sur le moment, et on essaye de se laisser guider par l’Esprit tout en gardant les pieds fermement sur la terre.
Il semble qu’à plusieurs reprises, on ait aussi mis nos pieds involontairement dans le plat…Et parfois, on nous l’a bien fait comprendre. Avec insistance et précision. Ces trois dernières semaines, cela commence à me peser de plus en plus. Le dernier week-end, j’en ai parlé longuement avec Jean-Claude, et c’était cadeau. Toutefois, j’ai l’impression que quelque chose me cloue au sol et ne me quitte pas.
Ce week-end, c’est encore pire. L’ambiance de paix que Noël est censé (quel mot horrible de toute façon) dégager est loin de moi. Le 24 c’est bon, il y a Hélène qui vient, une amie qui se trouve brusquement seule et qui vient passer la nuit de Noël dans le hangar avec moi. Il y a Eva et Yves Jaques qui voulaient faire un saut et que j’ai invités pour la fondue chinoise, et c’est super. Il y a Bernard et Gabrielle qui passent, et plein de SMS de partout – même à trois heures du matin, ce qui est un peu tard mais gentil quand même.
Mais voici que le 25, la voiture tombe en panne. J’en veux à ceux qui ont critiqué lourdement Evangile-en-chemin et ça ne sert à rien de me dire que ce n’est pas bon de ma part et qu’ils ont parfaitement le droit et que la critique qui se veut peut-être constructive est une bonne chose…La critique qui se veut peut-être constructive est la pire de toutes, car il faut la prendre au sérieux ! Je m’étonne de ma propre fragilité, je devrais être plus sûre de moi, non ? Ben non, je ne le suis pas. J’essaye de me rappeler la joie de Noël – elle semble sur une autre planète. Je ne veux qu’une chose : partir et quitter ce Nord Vaudois que je ressens tout à coup (un peu bêtement je suis d’accord ), comme menaçant et rejetant. J’en veux au monde, j’en veux à Dieu et j’en veux à moi. Joyeux Noël…
Dieu sourit. Quand je suis en balade avec le chien, Il me chuchote un seul mot dans mon cœur, mais qui me fait revivre : « genoeg », le mot hollandais pour « ça suffit ». Non pas fâché : « ça suffit maintenant! » Mais dans le sens : « C’est bon. Je m’en occupe ! »
Avec l’autorité, l’amour mais aussi l’humour qui me Le font instantanément reconnaître comme Lui, Il me prend dans son cœur où tout est si différent, dans sa pensée qui est tellement au-dessus de la mienne, dans son regard où tout à coup j’ai le droit d’être moi ; Il me console et me libère, puis me remet sur mes deux pieds. Alors je suis consolée, je suis soulagée, je suis libre ; je ne comprends pas très bien ce qui arrive, je ne comprends pas bien à quoi Il fait allusion, mais ce mot… me suffit.
La tentation de retomber dans mon trou revient, mais j’ai trouvé ma réponse. Les circonstances n’ont pas changé, mais j’ai trouvé une réponse. Dieu suffit, et, mystérieusement, en Jésus-Christ, moi je suffis aussi.
Oui, je suis appelée à grandir, à écouter, à ajuster, à apprendre, à me corriger et à me laisser corriger. Mais ni moi ni Evangile-en-chemin ne sont appelés à se conformer aux attentes et aux critères de « ON ».
ON, et ses « il faut, il faudra et
il aurait fallu » sans fin. Le chien ne comprend pas pourquoi je suis en train de danser follement dans la neige, mais il a l’habitude de s’adapter rapidement à mon attitude, donc on fait les fous. Joyeux Noël !
Alors puisque Dieu a fait le plein, le moteur redémarre, le système anti-gel fait son boulot, et me voilà de retour dans mon hangar pour accueillir les personnes qui viennent. Pas nombreuses, mais importantes. Une personne qui arrive en panne comme moi je l’étais, mais en pire. Et qui repart avec le même cadeau de joie de Dieu, même si pour elle Il s’y est pris autrement. Joyeux Noël !
Je pars le vendredi soir à la prison à Lausanne, on mange ensemble, c’est bon d’être ici.
Je pars le samedi soir à la prison de Morges, on mangera ensemble l’excellent foie gras que Fofo produit lui-même, c’est bon d’être ici. Puis, je partirai le dimanche soir avec le train de nuit direction Bâle- Hollande – et c’est bon de partir. Question de faire le plein – aussi ailleurs.