De Paleo à la Place de Milan…et au Flon (automne 2011)


La sieste de Speedy à Bursins

 

5 – 7 août : Bursins

Speedy m’attend chez les Baumgartner chez qui il a logé ; il m’a entendu parler avec Madame et vient à ma rencontre. J’ai l’impression que le lien entre lui et moi s’est beaucoup renforcé depuis le début, et ça fait chaud au cœur !

C’est avec Christine qu’on fait le trajet aujourd’hui. On s’est connues lors de la première année, quand on a tiré et poussé un Speedy de très mauvaise humeur de Crêt-Bérard aux monts de Pully – et depuis on agardé le contact. La marche de ce week-end est nettement plus facile…

Quand nous arrivons, nous découvrons plusieurs hommes très actifs autour du tipi – comme
si souvent. Je ne les connais pas mais ils sont là, souvent déjà depuis des
heures, pour aider le coordinateur du week-end ( ici et à Perroy c’est Roland,
et Christian vient maintenant « d’office », c’est super !) à
tout préparer. Je fais connaissance d’Eric, conseiller de paroisse, qui n’était
pas vraiment emballé au début de ce coup de main un peu imposé par l’absence
d’autres bénévoles en vacances, mais qui semble prendre goût à la vie du
tipi : il revient souvent ce week-end, et lui et sa femme viendront
aussi à Perroy. D’autres conseillers de paroisse passent, et l’apéro
après-culte du dimanche se fait devant le tipi.

Pas mal de retrouvailles ce week-end : entre autres Philippe, que j’avais croisé au
Marchairuz,  qui avait promis de revenir, et qui revient d’abord seul et ensuite avec sa femme – Sylvie et Olivier,
rencontrés à Longirod – et deux Français rencontrés au Var lors des vacances au
mois de juin, et qui me font la surprise d’arriver avec leur camionnette
transformée en toute petite maison, fourneau au bois y compris (avec une
cheminée provisoire sortant par la vitre – fallait y penser !). Fred
(de Frédérique) et son copain Jean-Marc vivent, comme on dit, de façon
« alternative » : dans une cabane construite par eux-mêmes en
pleine forêt au sud de la France, en mangeant uniquement bio et bon marché, et
surtout ce qui se trouve dans leur propre forêt, en n’ayant que ce dont ils ont
besoin. Pas étonnant qu’ils se sentent chez eux sous le tipi, où l’on partage
ce qui est donné, et on donne ce qu’on a à donner. Fred a pris son accordéon et
nous chante des chansons provençales, dimanche soir, pendant que les autres
mangent la soupe provençale préparée par les deux Français : une soupe
annoncée dans le village par les panneaux fabriqués par deux enfants qui veulent
inviter tout le monde – trop chou ça !

 

12-14 août : Perroy

C’est avec Anita que je fais le trajet Bursins – Perroy. On a fait connaissance sous le
tipi à Yverdon, elle a repris contact par téléphone quand j’étais au col du
Marchairuz. Nous venons chercher Speedy chez Sylvia et Peter Hauri , et
les quelques heures de marche d’aujourd’hui nous donnent le temps de beaucoup
partager.

En arrivant à Perroy nous voyons le tipi de loin. L’endroit est magnifique, avec une vue
splendide sur le lac. Le municipal de la police vient nous accueillir et
demande si tout va bien. On ne peut pas aller mieux, le tipi et la roulotte se
trouvent en plein lieu de passage, à côté de la place de jeux. On est même
tellement bien placés que je n’ai pas toujours le temps pour tout ce monde qui
passe. C’est pénible mais inévitable, quand les gens viennent « comme
ça » : parfois ils partent sans que j’aie pu les accueillir comme il
faut – surtout quand il y a des sms d’urgence qui demandent du temps, parce que
la personne à l’autre bout du fil ne va pas bien. Il y a des week-ends comme
ça, où je n’ai même pas le temps d’aller aux toilettes – et d’autres, plus
tranquilles. Je ne sais jamais d’avance. Parfois les gens me demandent si j’ai
du « succès ». Du succès – qu’est-ce que c’est ? Un certain
nombre de personnes ? De passages ? D’entretiens ?

Je me souviens d’un certain week-end, lors de la première année, où je pensais vivre
un peu un échec : très peu de personnes sont venues. Je n’avais eu qu’une
discussion ; oui, très importante celle-là, mais voilà, ce n’était qu’une.
Sur un week-end, ça fait peu de « succès », non ? Le dimanche
soir, en partant vers 21 h., je tombe sur deux personnes qui avaient besoin de
parler. Pour finir, c’est après minuit que je pars, et c’est cadeau. Je me sens
à ma place, heureuse, car « posée » à cet endroit par Dieu en
personne – mais « sans succès » selon les critères de notre société…

A Perroy, je fais connaissance avec Sébastien, qui revient souvent ce week-end, et les
week-ends après. Il a vu une affiche sur une porte, a envoyé un sms pour savoir
s’il pouvait venir parler, et il est venu. Philippe-du-Marchairuz revient
aussi, et il y a des partages très denses avec eux et des inconnus qui passent,
ainsi qu’avec Christian, de mon groupe de soutien.

Ces derniers week-ends je suis d’ailleurs pas mal mise en question. Je rencontre tellement
de personnes vivant une spiritualité pour le moins « différente »…  Je rencontre tellement de mélanges, tellement
de flou ; mais aussi des recherches profondes, des personnes qui vont très
loin dans l’engagement qui résulte de cette recherche… Je parle avec des gens
qui ne se disent pas nécessairement chrétiens mais qui vivent les
rencontres-tipi et, par exemple, la liturgie du matin, avec une intensité qui
me bouscule. Je suis d’ailleurs toujours à nouveau étonnée par l’impact de
cette liturgie copte, venant du désert de Wadi-Natroun, au sud du Caire, où je
l’ai connue pour la première fois en étant accompagnée par un moine de là-bas…
Ces textes ( on les trouve sur « textes des trois rencontres » sur le
site www.evangile-en-chemin.ch ) m’ont donné une véritable colonne
vertébrale intérieure – et je ne suis pas la seule… !

19 – 21 août : Aubonne

Un tout petit parcours cette fois, de Perroy – où je vais arracher Speedy au couple
d’ânes des Martins, chez qui il a logé –  à Aubonne, chez les Streit. Pour une fois que
j’arrive dans les heures ! C’est drôle, d’ailleurs, de passer devant Ikea
et tout cet ensemble de magasins, super moderne, super-consommation, avec un
humble âne … Le tipi, déjà tout prêt grâce aux efforts de Jean-Claude et de
Christian, a cette fois donc la vue sur – et le bruit de – l’autoroute. Il fait
merveilleusement beau, ce qui est d’autant plus important que c’est la fête de
la paroisse ce dimanche (organisée par la diacre Florence  fraîchement mariée Loliger, qui avait déjà
organisé mon séjour à Blonay mais encore sous le nom Lutz !) et que le
culte se fera dehors, devant le tipi.

Vendredi soir nous mangeons sur la terrasse avec plusieurs générations Streit, en buvant
le vin du domaine… quel bonheur !

Peu de passages samedi : le lieu est trop à l’écart, mais il fallait bien trouver
un endroit où on aurait pu faire le culte à l’intérieur (du hangar) en cas de
pluie. Tout de même quelques rencontres intenses avec des gens « venus
exprès ».

Dimanche c’est la fête. Bénédiction des enfants qui entrent en première scolaire. Bénédiction
personnelle pendant le culte que j’offre à tous ceux qui le souhaitent – et
beaucoup le souhaitent ! Adultes, enfants… ce sont toujours des moments si
forts… Qu’est-ce que je vais dire ? Qu’est-ce qui est bon pour telle
personne ? Je ne le sais pas car je ne la connais pas mais Dieu la
connaît, et le plus souvent c’est comme s’il me chuchote un mot, une image, une
phrase… et je brode là-autour.

Ensuite c’est un soi-disant pique-nique, qui se révèle un repas royal, et on
« pedze » longtemps. Beaucoup de gens viennent demander pourquoi j’ai
choisi ce ministère. Des parents viennent demander une bénédiction pour leur
enfant : « On avait besoin de réfléchir un moment ! » Un
enfant vient de lui-même demander une bénédiction : « Toute à
l’heure je n’ai pas osé ! »

Le soir un copain passe. Pour lui, « la religion c’est de la foutaise » – mais
il vient (en évitant soigneusement le moment de recueillement quand
même !) et il reste. Aussi pour ranger, ce qui n’est jamais superflu, car
c’est tout un boulot…

 

26 – 28.8 : Villars-sous-Yens

En faisant le trajet j’ai l’impression d’un déjà-vu – ah oui, c’est vrai, c’est ici que je
m’étais perdue il y a deux ans, en route pour Lavigny avec mes deux bêtes et
paumée dans la pampa en suivant les indications d’un homme bien intentionné :
«  Lavigny ?  Ah, c’est tout simple (c’est toujours mauvais signe si c’est un homme qui dit ça !), tout
droit ici, et vous entrez dans la forêt, puis en sortant, au deuxième chêne,
vous tournez à droite, puis au cabanon à gauche… » Y avait-il un premier
chêne que j’avais loupé ? Ou plusieurs cabanons ? Toujours est-il que
j’ai erré pendant des heures dans ce beau paysage et que j’ai dû téléphoner à
Armin Kressmann pour lui dire que je ne serais pas présente pour mon propre culte…
C’est pourquoi, cette dernière année, on a laissé tomber la rencontre-tipi du
vendredi soir !

La pasteure Nadine Huber m’accueille, on sera à côté de la grande salle. Sera – car quand
j’arrive il n’y a encore rien : Christian me téléphone qu’il a posé la
roulotte par erreur dans un autre champ et qu’il n’arrive plus à fixer le
timon. Jean-Claude arrive en courant, Roland lui a téléphoné en urgence pour le
remplacer momentanément, mais Jean-Claude ne pouvait pas venir avant 17 h. Le
ciel devient menaçant, je reçois plusieurs coups de fil de personnes qui se
soucient pour mon bien-être : apparemment il y a eu une grande alerte du
service météo  : tempête en vue, danger, restez chez vous. Mais mon
chez-moi est encore par terre, ou plutôt, entre ciel et terre, avec malheureusement
une nette préférence – définitive – pour le ciel. Deux hommes tiennent le mat
central, trois autres courent autour pour essayer de fixer la toile qui part
dans tous les sens. Le groupe de soutien arrive pour la séance prévue, mais devient
d’abord équipe de secours, luttant pour que notre lieu de rencontre ne s’envole
pas. Bref… c’est dans des moments comme ça qu’Evangile en chemin est davantage
en chemin qu’on l’aurait souhaité – et en même temps, ça fait partie du tout…

Ce samedi,  c’est la fête à quelqu’un du quartier qui a loué la grande salle à côté – donc
passages garantis ! Aussi : enfants garantis, comme de nombreux
dessins en témoignent.

Dimanche, c’est à nouveau un culte-familles devant le tipi, avec bénédiction. Joie
toujours nouvelle. Moi je la reçois à mon tour de Nadine. Plaisir de retrouver
Michel Kocher, journaliste à la radio et pasteur, qui me réchauffe le cœur en
lisant, lors des annonces, l’article qu’il a écrit au sujet
d’Evangile-en-chemin. Encouragement dans ce temps où la tiédeur venant
d’ailleurs me fait beaucoup de peine.

Ce week-end, c’est aussi la rencontre avec des gens partis dans des recherches qui, pour
moi, semblent venir d’une autre planète. Pour eux, c’est moi qui viens d’une
autre planète – et c’est tout l’enjeu et l’aventure d’essayer de comprendre
l’autre et de le respecter, tout en restant clair sur ses propres découvertes. Pour
moi tout en restant claire sur ma découverte de la foi chrétienne, claire sur
un Dieu qui ne s’adapte pas à nos critères et qui nous bouleverse
régulièrement. S’il y a quelqu’un qui m’a appris à dire, et donc, à penser, ma
foi chrétienne, c’est bien « l’autre du tipi » : mes vis-à-vis
en route ou sous la tente, qui m’interpellent, qui me mettent en question. Qui veulent
savoir aussi, qui découvrent. Qui souvent me confient que je leur dis des
choses toutes nouvelles, qu’ils n’ont jamais entendues, là où j’ai le sentiment
de ne dire que du banal, le basique absolu du christianisme. Mais qui me
poussent aussi : jusqu’au bout, jusqu’au fond du fond, pour que tout ce
qui est superflu et de trop, tombe. A ce moment-là ne reste que l’essentiel :
Jésus-Christ, Fils de Dieu, venu pour nous sauver, mort pour nous réconcilier
avec Dieu, ressuscité pour nous entraîner dans une vie nouvelle avec lui. Mon Sauveur
et Ami, mon Seigneur et mon Dieu. Un Dieu qui aime. Un Esprit qui console en
amenant à la Vérité totale. Un Amour qui n’exclut pas la Vérité, et une Vérité
qui n’exclut pas l’Amour.

Des mots ? Oui, il en faut bien. Non pas pour emprisonner Dieu. Mais pour le
reconnaître. Pour ne pas l’éviter. Pour ne pas tourner autour de nous-mêmes et
de NOTRE spiritualité.

 

2 – 4 septembre : Echichens

C’est Roland qui a organisé cette rencontre avec l’EMS du lieu, et quelle bonne idée il a
eu ! Le tipi, installé par Jean-Claude et Christian, se trouve juste
devant l’entrée, et l’EMS est en fête ce week-end, ce qui permet beaucoup de
rencontres. Je me souviens particulièrement des moments partagés avec Esther,
résidente, qui m’encourage mais me corrige aussi – avec Sébastien qui est
revenu avec sa copine Martine – et de la rencontre-tipi du dimanche soir, où
nous prions spontanément pour un lieu d’hiver. Au fond, on a déjà un lieu en
tête : la gare du Flon, à Lausanne…

C’est Enrique, de l’équipe d’entretien du LEB, qui a eu l’idée, l’hiver passé. Il est
venu plusieurs fois pour boire un café, et lors d’un de ces cafés il me l’a
proposé :

« Pourquoi tu n’irais pas au Flon ? Le LEB a du terrain là-bas, et y a plein de
monde… ! »

Oui, effectivement, au Flon y a plein de monde… Voyant le directeur du LEB passer à
ce moment même, je sortais en courant pour lui demander son avis. « A
voir ! Je ne suis pas contre ! » était sa réponse…

Maintenant, huit mois plus tard, il faut voir si c’est LA bonne idée. Comme l’année passée,
nous avons oublié d’inviter des gens pour un moment de prière ensemble – mais
quelqu’un, ce soir sous le tipi, propose qu’on prie maintenant, tout
simplement, pour savoir si le cœur de Dieu va dans le  sens du Flon … ou pas.

On prie. Je n’entends encore rien. Mais cela me soulage d’avoir porté ça à plusieurs.

Quelques bons moments avec des membres du personnel, qui accompagnent les résidents.
Partages. Recherches communes. Différences. Questions. Moments de perplexité.
Moments d’amitié.

Je l’ai bien annoncé à tous les enfants qui courent autour du tipi : « Vous ne
donnez rien à manger à Speedy, il est au régime ! » Car mon âne est
gonflé comme un ballon, grâce aux carottes, pommes et pains secs que tout le
monde lui amène, et j’ai promis à Jacob et Marguerite Geiser, ses
propriétaires, de le ramener en meilleur état que l’année passée… Maintenant,
ce sont les enfants qui m’avertissent : « Hetty, il y a quelqu’un qui
donne à manger à Speedy ! » Je sors pour éviter le gonflage
additionnel et pour inviter la personne inconnue dehors, et je tombe sur
Marianne Huguenin, la syndique de Renens, qui est venue rendre visite à sa
maman et, accessoirement, à l’âne ; elle a entendu parler d’Evangile en
chemin et elle trouve la démarche sympathique. Elle repart avec ses carottes et
la carte de la roulotte. (D’ailleurs, Florence, quand tu la dessinais,
imaginais-tu le succès qu’elle aurait, ta carte ?!)

23 – 25 septembre : Villars –
Sainte-Croix

La bonne entente avec Speedy est mise à rude épreuve lors du trajet  de St. Saphorin sur Morges (chez la famille
de Jean-Pierre Cusin) à Villars – Ste Croix : il est fatigué, je suis
fatiguée ; en suivant les directions très variées de personnes très
variées j’ai atterri dans un champ de maïs et je ne vois plus rien. C’est haut,
le maïs, et lorsque le pasteur Jean-Marie Thévoz me téléphone pour me demander
où je suis, je dois lui avouer que je ne sais pas. Je sais seulement que je
suis dans un labyrinthe de maïs et d’autoroutes et je ne sais pas comment
sortir de là. Heureusement je croise un coureur qui parle un langage clair, et
me voilà arrivée une demi-heure plus tard devant un tipi habité déjà par toute
une ribambelle d’enfants, un tipi installé fièrement au milieu du village par
les hommes du village et Roland et Christian, qui ont aussi tout préparé pour
la rencontre du groupe de soutien. Quel cadeau d’arriver après ma douche dans
l’école à côté dans une tente qui sent bon le pain et le vin…

Ce week-end est plein de visites. Visite d’anciens choristes de mon chœur de la région de
la Chamberonne. Visite – toujours ! – d’enfants qui viennent dessiner ou
babiller, en général les deux, et chanter et même rester pour une rencontre-tipi
si les parents le permettent. Visite des villageois, et visite de pompiers qui
viennent regarder ce que je fais là, qui restent boire un café – un long
café ! – pour discuter, de leur travail et de leur foi – et de mon travail
et de ma foi…   – Depuis mon enfance j’ai
toujours admiré les camions des pompiers, et quand ils partent je leur demande
s’il est possible de me montrer le leur…
Je me sens comme à cinq ans quand ils dévoilent tous les secrets de ce
magnifique engin, et on chope tous le fou rire quand suite à une fausse
manœuvre, l’eau commence à gicler dans tous les sens !

Visite du conseil de paroisse qui vient manger mon fameux Tzatziki. Visite d’André et
Marie-Laure Favez qui ont logé Speedy et qui invitent eux-mêmes plein de monde
à « venir voir ! » Visite d’une médecin dans la rue. Visite d’un
des hommes qui a aidé à monter le tipi. Visite d’une dame qui va loin dans son
acceptation de se laisser bousculer. Visite-éclair de Mireille, dont j’ai
fait la connaissance à Villars-sous-Yens, et qui nous a fabriqué de nouveaux
panneaux, les autres ayant disparu à Paléo… Merci Mireille – on ne se
connaissait pas et te voilà en train de passer des heures et des heures pour
nous aider à faire connaître Evangile-en-chemin !

Visite de deux policiers qui voient un tipi, un âne et une roulotte et qui viennent donc
se renseigner si j’ai reçu une permission officielle. Qui suis-je et pourquoi
je suis là ?  Pasteur ??
Comment ça, pasteur ? De quelle église ? C’est sérieux ça ?

Ils ont visiblement un peu de peine avec cette image un peu inattendue de l’église
vaudoise, surtout parce qu’ils n’avaient pas été avisés de ma présence. Un peu
plus tard, une municipale ayant aperçu la voiture de police vient vite
s’excuser de cet oubli, mais à ce moment-là les choses se sont déjà clarifiées,
et les policiers en train de boire un café à leur tour. Ils parlent de leur
travail, de ce qui est bon et de ce qui est difficile, de leur rôle souvent
ingrat. On parle de l’image qu’on a souvent d’eux ( le méchant) et l’image qu’on
a souvent du pasteur ( le gentil), pour arriver à l’image qu’on se fait de
Dieu, qui n’est ni le méchant ni le gentil-gentil, et me voilà embarquée dans
l’histoire du fils perdu et retrouvé… qui dit un Dieu si surprenant, si plein
d’amour mais qui ne nie et ne relativise pas la responsabilité de son enfant :
«  il était mort et il est revenu à la vie… »     -Etonnant, cette situation de policiers qui
viennent découvrir ce qui se passe et qui découvrent une parabole de Jésus…

Visite d’une dame qui m’envoie un sms à 22.30 : « Je peux venir demain soir ?
Je veux vous parler sans qu’il y ait du monde autour. » Je réponds :
« Je prends vite ma douche, venez à 23.00, il n’y aura
personne ! » Elle vient, on discute. C’est important, c’était juste
le moment, juste mon passage au village, juste ce tipi tout près et la
banderole d’Evangile-en-chemin mentionnant le site, juste l’impression qu’elle
avait, en allant sur le site, qu’il était possible de venir sans autre pour
parler. Qu’il y aurait quelqu’un pour ça.   – C’est peu, c’est simple, mais ça peut
suffire pour voir plus clair, pour prendre un engagement.

C’est ça, le tipi, la roulotte, l’âne, le chien, la pasteure ; ça fait un tout, c’est peu,
c’est simple, mais pour Dieu ça suffit.

 

30 septembre – 2 octobre :
Renens

Renens, les Baumettes. Un EMS encore une fois, et ça fait du bien à tous ! Plus plein
d’enfants fantastiques qui viennent aider, chanter, dessiner, servir les
adultes, proposer des améliorations…

Un groupe de jeunes d’Aigle, qui viennent avec leurs pasteurs, suite à une demande de Marc-André
Freudiger.  (Premier téléphone :« Il y aura 5 ou 6, je ne sais pas combien vont s’inscrire… »  Deuxième téléphone : « Ils sont
30 ! » Pour finir, ils divisent le groupe en deux, et ce sont 15
jeunes qui arrivent pour le pique-nique et la discussion.

Speedy entre dans le temple (Moi, un peu anxieuse : « Et s’il fait des
crottes ? »  –  Richard, le sacristain : « C’est
moi qui les ramasse si jamais ! »)
pour rejoindre les enfants qui vont l’accompagner vers le tipi.

Discussion avec une collègue-pasteure, avec une collègue-diacre, avec une personne très
âgée et pleine de sagesse, avec une ancienne usagère de la Cascade, avec une
journaliste qui fait le trajet avec moi… Discussion avec des pensionnaires
assis en rond au soleil à côté du tipi, avec l’aide de Jean-Claude qui non
seulement sait monter le tipi dans un temps-record, mais qui sait aussi inviter
les gens, les écouter, les intégrer.

 

7 – 9 octobre : Lausanne, place
de Milan

La dernière étape du tipi de cette année ! Franco a organisé l’endroit, et quelle
aventure d’arriver en plein centre de Lausanne, après avoir fait le trajet à
travers la ville. Rien que le trajet est déjà aventureux : partir avec un
âne de Jouxtens-Mézery (où il a logé chez Philippe Krieg), passer à travers
Prilly, par  la route de Genève, devant
une école où les enfants sont juste en train de sortir … les enfants courent
vers Speedy, un ado me demande ce que c’est comme bête car il n’a jamais vu un
âne, les gens ne croient pas leurs yeux, m’arrêtent, me demandent ce que je
fais, m’indiquent le chemin, rigolent…   – Deux jeunes demandent que je les prenne en
photo avec Speedy, et enfin j’arrive à un bistrot pour boire un chocolat chaud,
car je ne sais pas si c’est encore loin. J’attache l’âne au parcomètre, ça fait
un peu Far West mais c’est pour éviter qu’il mange les géraniums du proprio. Je
discute avec quelques hommes assis là, et quand j’explique pourquoi je suis là,
l’un d’eux me dit : « C’est pas con ce que vous faites ! »   – Cela fait plaisir quand même !

La roulotte et le tipi sont en effet 200 mètres plus loin, et quand j’arrive ça grouille
déjà d’enfants. Franco et Christian ont pu monter le tipi en plein parc de
Milan, c’est difficile de me louper si on veut venir !  – La nuit tombe vite et il fait froid ;
quand j’arrive après ma douche deux personnes m’attendent déjà, donc on discute
en mangeant. A 23 h. je me prépare pour aller dormir, mais j’entends tout à coup
un groupe de jeunes, bouteilles à la main, qui s’approchent avec un certain
bruit : « Y a un tipi ! » – « C’est quoi
ça ?! » – « On va voir ! » – « Non, pas
envie ! » – « Si, on va voir ! » Le chien commence à
grommeler, et c’est vrai, je ne me sens pas trop à l’aise mais en même temps je
suis là pour rencontrer tout le monde alors allons-y et rencontrons ! Ils
se révèlent totalement innocents et très sympas, entrent dans le tipi,
s’asseyent un moment, posent des questions. « C’est pas mon truc, l’église »,
dit l’un. « Moi je crois en Dieu », fait un autre. Quand ils partent
une fille me dit : « J’essaye de revenir, j’aimerais bien
parler. »

Beaucoup de va-et-vient et de visites plus longues tout ce week-end. L’homme du
« c’est pas con » du bistrot, des parfaits inconnus, des gens qui
connaissent déjà Evangile-en-chemin, un monsieur franc-maçon,  des retrouvailles émouvantes pour moi avec
une ancienne paroissienne quand j’étais pasteure à Fiez, et qui a fait l’effort
de venir en chaise roulante, accompagnée par une amie…  – Le
samedi soir, quand je suis en train de discuter avec quelqu’un, Franco
voit une jeune fille tourner autour du tipi ; il lui explique ce que
c’est, l’invite à entrer, elle rentre, hésitante. Elle a beaucoup de questions,
veut savoir ce que c’est, la foi chrétienne. C’est toujours un grand cadeau
quand on me demande cela, quand quelqu’un veut vraiment savoir et pose des
questions et des questions… C’est tard quand elle part.

Dimanche après-midi nous avons organisé une petite fête pour dire merci à des personnes
qui nous ont aidés. Bernard nous prête ses tentes, le groupe de soutien
arrive  pour s’occuper de tout. J’ai
préparé des cadeaux pour eux, pour les Geiser qui sont venus et qui ramèneront
leur Speedy, pour les Michaud qui l’ont tellement bien soigné quand son sabot
était abîmé. Jacob Geiser nous promet Speedy pour le printemps prochain, et en
plus gratuitement !, puisque l’Eglise ne renouvellera pas mon salaire d’Evangile-en-chemin
l’année prochaine. Les Michaud ont promis de transporter Speedy au cas où je
n’aurai pas trouvé du transport sur place. Car je veux continuer ce ministère
d’Evangile-en-chemin. Ce travail me semble important, alors, si le Conseil
Synodal est d’accord, ça sera toujours au nom de l’Eglise Evangélique Réformée
du Canton de Vaud, mais sans salaire s’il le faut. Par contre, ça ne sera plus
tous les week-ends : je dois bien travailler pour gagner ma vie. Alors je
ne pourrai plus faire tous les trajets avec l’âne comme maintenant, les
endroits par lesquels je passerai ( plutôt sur demande) étant probablement trop
éloignés les uns des autres. Speedy restera avec nous ; on fait
équipe ! Et j’aurai besoin de lui pour faire les balades autour du lieu où
je me trouverai, pour faire « les derniers 500 mètres » parfois
nécessaires pour aller à la rencontre des gens.

Le week-end se termine comme toujours avec la rencontre du soir, cette fois avec des gens
assis sur des bancs dehors. Je chuchote à Bernard à côté de moi :
« J’offre quand même la bénédiction personnelle ? Avec tout ce monde
ça ne prendra pas trop de temps ? » – « Vas-y ! » il
me fait, et j’y vais. Emue,  pour cette
dernière bénédiction sous le tipi pour cette année.

Ceux qui ont le temps restent ensuite pour prier ensemble encore une fois pour le lieu de l’hiver.
Comme les autres années, l’écoute commune ne semble pas donner des réponses
communes…  mais on essaye de donner sens
à ces intuitions différentes, et d’en déceler le dénominateur commun.

Pour moi, pendant les semaines qui suivent, ça semble toujours plus clairement devenir le
Flon. Je téléphone à M.Gachet, directeur du LEB. Il nous donne sa permission,
et vient même nous rejoindre à « sa » gare du LEB au sous-sol,
station métro, pour nous accorder un endroit à côté d’un des escaliers.

Bernard nous pré-fabrique une petite cabane qui y sera montée autour du 22, 23 novembre, et
le 26 novembre Evangile-en-chemin s’installera pour l’hiver dans ce lieu où
« il y a du monde », dans la présence de Dieu – et de ceux qui vont
venir. Bienvenue !

Hetty
Overeem, pasteure-nomade