Etape à l’Institution de Lavigny


Etape à l’Institution de Lavigny (7 au 9 août)

Petite parenthèse : si vous avez lu ces quelques nouvelles depuis une dizaine de week-ends, vous vous rendez compte qu’il faut quand même quelques mains pour mettre tout ça en route et en place les vendredis après-midi et les dimanches soir ! Si vous avez du temps et l’envie de nous aider – ou si vous connaissez quelqu’un qui serait intéressé – à donner un coup de main pour un week-end ,  Merci de téléphoner au 079 886 03 73

L’étape de Lavigny me reste dans la mémoire comme un temps très fort. – Je retrouve Speedy qui a passé quelques jours heureux chez les Rochat à Lully, et malgré la courte distance j’arrive sur place avec pas mal de retard. Pourtant j’avais scrupuleusement suivi les conseils des gens du coin : « Vous traversez ce champ, puis vers la cabane vous tournez à droite, puis tout droit et vous verrez, vous tombez droit sur Lavigny » – mais le village sur lequel je tombe tout droit enfin, c’est Villars-sous-Yens… Et les 2,5 km qui me séparent de mon but, ce n’est peut-être pas beaucoup, mais avec un Speedy encore moins pressé que d’habitude, ça me prend quand même une heure…

Rencontre-tipi donc avec du retard, ensuite manger au petit resto sur le terrain de golf avec Armin Kressmann, l’aumônier, pour préparer le culte de ce dimanche à la chapelle. Je suis impressionnée par ce qu’il me raconte, de sa façon de voir, de comprendre, de vivre la rencontre avec les résidents, ici à l’institution de Lavigny. Je me réjouis de les rencontrer, j’ai aussi un peu peur d’être maladroite, je n’ai pas beaucoup fréquenté de personnes avec un handicap mental.

Quelques résidents indépendants viennent à plusieurs reprises, parlent, vivent les rencontres sous la tente, m’accueillent « chez eux ». Sympa ! Samedi après-midi, les autres viennent, par petits groupes, pour voir Speedy, Barou, la roulotte, le tipi… Je suis fière de mes deux animaux, qui s’approchent d’eux-mêmes, se réjouissant de chaque caresse, et si les gestes sont parfois un peu brusques, ce n’est pas grave. Barou se blottit contre les pieds d’un garçon dont le visage un peu fermé s’ouvre tout-à-coup dans un grand sourire. Speedy accepte qu’on découvre ses longues oreilles si douces au toucher…

Je suis impressionnée par la gentillesse, le respect, la finesse, l’amour du personnel pour les résidents – qu’est-ce que c’est important…

La nuit est tumultueuse. De forts orages font trembler Barou au point que toute la roulotte vibre. Après avoir reçu un dixième coup de pied dans mes côtes suite aux efforts de mon chien pour se cacher, je décide de le mettre dans la voiture. Il pleut des cordes, donc faut d’abord se couvrir d’imperméables… on saute dehors, on court, j’ai oublié la clé, on retourne, on re-court, hop, chien dans la voiture, je reviens, regrimpe dans ma roulotte, me défais du triste tas mouillé, me glisse sous ma couverture, ferme les yeux… et les rouvre parce qu’il y a des signaux alarmants qui viennent de ma voiture, la voilà qui clignote toute seule dans son coin. Le coupable, c’est Barou, bien sûr, qui a essayé de se coincer entre deux sièges et qui a touché le bouton de commande des feux de panne… Avant que le gardien vienne voir ce qu
i se passe, je sors de ma couverture en me lamentant sur les chiens stupides, me couvre d’imperméables, saute dehors – … etc.

Dimanche matin. 23 personnes sont venues pour le culte. Armin commence : « Que la grâce et la paix vous soient données de la part de Dieu – à vous, Mireille, à vous, Aurèle… » Chaque personne est accueillie par son nom ; l’aumônier suit une liturgie assez classique qui offre des points de repère, on chante. Il y a des cris, des interruptions, des vomissements. Il y a de la joie, de la tristesse, des regards perdus. Armin m’a confié le message – en me levant le matin, je ne savais pas encore quoi dire, ma tête était vide. Mais j’avais très envie d’entrer dans le geste de la bénédiction, et en disant la liturgie du matin (voir sous « textes des trois rencontres » sur le site) j’étais touchée par le parallèle entre la bénédiction et la lumière du Christ, lors de « cette journée bénie et éclairée par ta présence ». Alors j’ai pris toutes les bougies du tipi, et, le moment venu, je les allume l’une après l’autre. Ce qui est beau et ce que je découvre sur place, c’est que ces bougies, elles sont si différentes : grandes, petites, amochées par le transport et la chaleur, ou toutes neuves… mais toutes portent une même flamme, et la flamme de la plus petite bougie est toute aussi grande et belle que celle de la plus grande… comme la flamme de Dieu, de son Esprit, en nous tous.

Lors de la liturgie de la Cène je lis la phrase : « Et nous participons tous à la gloire de Dieu. » Pendant quelques secondes, j’ai les larmes aux yeux, car un des visages devant moi semble être en si grand contraste avec cette belle déclaration. Puis c’est comme si Dieu me secoue :

« Mais ne vois-tu pas ma gloire en lui ? Pourtant, elle y est, c’est toi qui n’arrives pas à la voir ! » Et je sens, je sais que c’est vrai, et une drôle de joie envahit mon cœur. Elle n’enlève pas la tristesse mais la cadre, pour ainsi dire. Et je me souviens qu’Armin m’avait dit la même chose, vendredi soir.

Je quitte Lavigny le dimanche soir avec mes bras pleins de bougies faites dans les ateliers… et mon cœur plein d’une flamme plus forte que toutes les ténèbres que la vie humaine peut connaître.